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Une divine surprise pour ses auteurs: un livre affirmant "prouver" l'existence de Dieu à l'aune des connaissances modernes sur l'Univers remporte un franc succès, mais laisse plus que sceptiques de nombreux scientifiques.
Aidé par une vaste campagne de promotion, "Dieu, la science, les preuves", co-écrit par l'ingénieur Michel-Yves Bolloré et le polytechnicien Olivier Bonnassies, a passé lundi la barre des 100.000 exemplaires vendus, trois mois après sa parution.
Les Editions Trédaniel, spécialisées dans la spiritualité et le bien-être, n'avaient pas connu tel engouement depuis la sortie en 2014 de "Trois minutes pour comprendre le Big Bang" des Bogdanoff. Les deux frères, décédés depuis du Covid, ont d'ailleurs participé à "Dieu, la science, les preuves" et animé une conférence sur le livre en novembre.
"On a fait près d'un millier d'entrées, ça nous a sidérés !", s'enthousiasme Michel-Yves Bolloré. Ce catholique, frère de l'industriel Vincent Bolloré, a travaillé trois ans pour écrire "le livre qui n'existait pas", confie-t-il à l'AFP.
Celui qui "en un seul volume, accessible à tous", raconterait comment les découvertes astronomiques du XXe siècle ont remis sur le tapis la question de la Création.
- "Grand horloger" -
Le propos: pendant près de quatre siècles, avec Galilée, Newton, Darwin, "les sciences ont montré qu'un créateur n'était pas nécessaire pour expliquer l'Univers. Si bien qu'au début du XXe siècle, le matérialisme triomphait".
Puis, "comme un grand balancier", le mouvement est reparti en sens inverse avec les découvertes du Big Bang, de l'expansion de l'Univers, de sa mort thermique... Autant de "cailloux dans les chaussures" des matérialistes selon l'auteur, qui ont mis à mal la thèse d'un Univers immuable puisqu'il a un "début et une fin".
Le chapitre "le roman noir du Big Bang" retrace comment cette théorie a peiné à s'imposer.
Celle affirmant qu'il y a 13,8 milliards d'années, l'Univers était comprimé en un point unique, une "singularité" dans l'espace-temps. Là où les lois de la physique ne fonctionnent pas, et qu'aucun scientifique ne sait décrire.
C'est de cette singularité que les auteurs tirent des conclusions métaphysiques, avançant qu'elle ne peut s'expliquer que par un "grand horloger", à l'origine de tous les réglages qui font que l'Univers existe, et que la vie est apparue sur Terre.
"Nous soutenons qu'aujourd'hui, il y a un faisceau de preuves qui tendent à montrer que la thèse d'un dieu créateur est la bonne, versus celle d'un Univers uniquement matériel qui ne tient plus la route", résume Michel-Yves Bolloré.
- "Naïveté" -
Dans le milieu scientifique, y compris croyant, la démarche ne convainc guère, voire dérange.
"C'est la notion de preuves qui fait polémique", selon Thierry Magnin, physicien et prêtre, auteur d'une tribune dans La Croix. Le livre suscite de la curiosité parmi ses ouailles, ce qu'il "comprend". "Mais si on a le droit de penser qu'il existe un grand horloger, on n'a pas le droit de dire que c'est une +preuve+", dit-il à l'AFP.
Il y voit "le piège du concordisme", cette pensée voulant relier les textes sacrés à la science. "Articuler science et religion n'est pas confondre".
"Prétendre prouver scientifiquement l'existence de Dieu, c'est faire preuve d'une certaine naïveté", a estimé le philosophe des sciences Etienne Klein, dans une interview à L'Express.
Selon François Euvé, directeur de la revue jésuite Etudes, si le livre marche aussi bien, c'est parce qu'il répond à une "quête de référence, dans une période d'incertitude sur l'avenir du monde qui ne serait pas que chaos, mais serait réglé par une intelligence supérieure".
Mais pour ce théologien et physicien, la science "n'a pas vocation à répondre" à cette quête. "On peut être scientifique et amoureux sans avoir à prouver que l'être aimé est le +bon+ !"
Plus problématique encore à ses yeux: la deuxième partie du livre, les preuves "hors sciences" qui s'appuient sur la Bible, le "destin hors-normes" du peuple juif et le miracle de Fatima pour invalider l'inexistence de Dieu. Selon L'Express, le prix Nobel de physique américain Robert Wilson, n'aurait pas signé la préface du livre s'il avait lu cette partie.
"Je n'ai aucun écrit attestant ses regrets", réplique M. Bolloré.
(A.Lehmann--BBZ)