AEX
-3.4300
"Bastia retient son souffle": onze jours après l'agression en prison d'Yvan Colonna, la Corse est sur le qui-vive dimanche, entre colère et appels au calme, comme le résume le quotidien local Corse Matin avant la manifestation de soutien au militant indépendantiste, toujours dans le coma.
En fin de matinée dimanche, sous un ciel gris et alors qu'une pluie fine est attendue pour le début de la manifestation à 15h00, devant le palais de justice, les signes étaient visibles d'une ville sous tension.
Les conteneurs à poubelles, régulièrement utilisés par certains manifestants pour allumer des feux, ont été enlevés. Quant au bâtiment de la poste centrale, souvent ciblé par les projectiles, il s'est barricadé derrière des placardages en bois.
Sur l'appel officiel à la manifestation, c'est "la vérité et la justice pour Yvan, la liberté pour les patriotes et la reconnaissance du peuple corse" qui sont mises en avant.
Mais le slogan "Etat français assassin", présent lors de chaque manifestation depuis l'agression du berger de Cargèse dans la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône), où il purgeait une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l'assassinat du préfet Erignac en 1998 à Ajaccio, reste utilisé chez deux des trois syndicats étudiants à l'origine de ce rassemblement.
Si les deux dernières soirées ont été plutôt calmes dans les rues corses, beaucoup craignent des débordements dimanche après-midi.
Une ligne rejetée par les autonomistes.
Marc Simeoni, frère de Gilles Simeoni, président autonomiste du Conseil exécutif de Corse et ancien avocat de Colonna, a appelé à la modération sur Twitter. "Présenter la violence comme levier de la victoire est dangereux pour nos enfants en première ligne, insupportablement dangereux", avertit celui qui a lui-même fait de la prison pour avoir aidé Yvan Colonna durant sa cavale.
Vendredi, le Premier ministre Jean Castex a tenté l'apaisement en annonçant la levée du statut de "détenu particulièrement surveillé" (DPS) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, deux autres membres du "commando Erignac" encore détenus sur le continent. Ce statut bloquait le rapprochement des trois hommes dans une prison corse.
Mais ce geste, après la levée du statut de DPS d'Yvan Colonna dès mardi --reçue comme une provocation en Corse, l'homme étant aujourd'hui entre la vie et la mort--, n'a pas fait baisser la tension dans l'île.
- "Agissez sans violence" -
Pour tenter d'éviter des débordements, la Préfecture de Haute-Corse a interdit par arrêté le transport de "pétards, fumigènes, mortiers et feux d'artifices", ainsi que l'utilisation sur la voie publique de "récipients contenant des produits chimiques, inflammables ou explosifs". Une référence notamment aux bombes agricoles et autres cocktails molotov lancés sur les forces de l'ordre et les bâtiments publics de l'île par certains militants.
Du côté des élus, nombreux ont appelé à l’apaisement. "Si l'émotion est légitime, elle ne peut et ne doit conduire à la violence", estiment quelque 60 maires et élus de Haute-Corse dans une motion.
Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse, et Jean-Félix Acquaviva, député nationaliste de Haute-Corse, ont eux relayé sur Twitter la lettre de la soeur d'un militant indépendantiste tué en 1987, proche d'Yvan Colonna.
Dans ce message, la jeune femme appelle les manifestants à ne "jamais retomber dans le piège fatal" qui serait de "croire que +le pouvoir est au bout du fusil+": "Agissez sans violence, agissez dans la plus grande des dignités", insiste-t-elle.
"C’est le voeu de beaucoup de gens, que la vie reprenne son cours normal, que les choses s'apaisent (...). Surtout pour nos enfants et nos petits-enfants", insiste Patricia Massei, la soixantaine, auxiliaire puéricultrice à Ajaccio.
A midi, comme demandé par l'évêque d'Ajaccio, Mgr François Bustillo, les cloches des églises de toute la ville et de toute l'île se sont fait entendre, "comme un appel à la paix, l'unité et à la réconciliation".
(A.Berg--BBZ)