AEX
-6.9200
L'Ukraine a réclamé lundi "l'expulsion immédiate" de la Russie du Conseil de l'Europe, qui pourrait se prononcer en ce sens dès jeudi, marquant une première historique pour cette organisation, vigie des droits humains sur la quasi-totalité du continent européen.
Suite à l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe, "nous demandons de prendre une décision concernant l'expulsion immédiate de la Russie du Conseil de l'Europe", a lancé le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal, s'exprimant par visioconférence lors d'une session extraordinaire de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), qui siège à Strasbourg (est de la France).
Le Comité des ministres de l'organisation, son "exécutif" où siègent les ambassadeurs de ses Etats membres, doit se réunir jeudi matin pour décider de la suite.
S'exprimant à la place du président ukrainien Volodymyr Zelensky, initialement prévu mais retenu par des pourparlers avec Moscou, Denys Chmygal a appelé les parlementaires des 46 Etats membres du Conseil présents à "unir (leurs) efforts pour défendre l'Ukraine, mais aussi pour défendre toute l'Europe".
"Il est temps d'arrêter cette agression avant qu'il y ait une catastrophe nucléaire ou que toute l'Europe soit en feu", a-t-il mis en garde, exhortant une nouvelle fois à "sécuriser le ciel au-dessus de l'Ukraine".
Son intervention a été saluée par une ovation debout des parlementaires qui avaient déjà observé une minute de silence en mémoire des victimes ukrainiennes, un peu plus tôt dans la journée.
- Tragédie -
Au lendemain même du déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février, le Conseil de l'Europe avait décidé de "suspendre" la participation des parlementaires et diplomates russes à ses principaux organes, à l'exception de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), son instance judiciaire, dernier recours pour les quelque 145 millions de citoyens russes face à l'arbitraire de leurs juridictions nationale.
Devant la succession d'appels à cesser les combats, sans résultat, l'organisation, rejointe par la Russie en 1996, envisage de demander à Moscou de la quitter. En 1969, la Grèce, sous le régime dictatorial des colonels, avait claqué la porte juste avant de subir le même sort.
La Russie pourrait d'ailleurs en faire de même. Jeudi, Piotr Tolstoï, chef de la délégation russe à l'APCE, avait lancé : "Laissez-les mijoter dans leur jus. Sans nous".
"La Russie ne va pas participer à la transformation par l'Otan et l'UE de la plus vieille organisation européenne en une nouvelle plateforme martelant la domination et le narcissisme occidental", a également prévenu le ministère russe des Affaires étrangères. Pour l'heure toutefois, Moscou n'a adressé aucune notification officielle de son retrait au Conseil.
"On est en train de tirer un trait, mais il n’est pas complètement tiré", a déclaré ce week-end Sergueï Riabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères.
- Ligne rouge -
Appelant elle aussi à l'expulsion de la Russie, la parlementaire Yevheniia Kravchuk, membre de la délégation ukrainienne à l'APCE, a souligné devant la presse que le Conseil de l'Europe serait "la première organisation internationale à exclure la Russie" si elle franchissait ce pas.
Mais si "la Fédération de Russie quitte le Conseil de l'Europe, ce sera aussi en quelque sorte une tragédie, une tragédie pour le peuple russe" privé de la protection de la CEDH, a alerté la secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Marija Pejčinović Burić.
L'APCE est réunie lundi et mardi en session extraordinaire, une première aussi dans son histoire. A l'issue des débats, mardi soir, les parlementaires devraient adopter un texte recommandant au Comité des ministres "d'inviter la Fédération de Russie à se retirer du Conseil de l'Europe".
"Ceci est la mesure la plus sévère que l'organisation peut prendre", a expliqué lors d'une conférence de presse le président de l'APCE, le Néerlandais Tiny Kox, insistant à plusieurs reprises sur le fait que la Russie avait "franchi la ligne rouge".
(Y.Berger--BBZ)