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Marine Le Pen, son parti et sa direction des années 2010 bientôt jugés pour détournement de fonds publics ? Le parquet de Paris a requis un procès pour le Rassemblement national et 27 personnes, suspectées d'avoir pris l'argent de l'UE entre 2004 et 2016 pour rémunérer des assistants travaillant en réalité pour le parti.
"Nous contestons cette vision qui nous paraît erronée du travail des députés d'opposition et de leurs assistants qui est avant tout politique", a rapidement réagi l'entourage de Marine Le Pen, sollicité par l'AFP.
La liste des personnes visées par le ministère public - 11 personnes ayant été élues eurodéputés sur des listes Front national (rebaptisé RN depuis), 12 autres ayant été leurs assistants parlementaires, mais aussi quatre collaborateurs du parti d'extrême droite - rassemble la grande majorité des figures du parti du milieu des années 2010.
Sont ainsi menacés d'un procès les deux dirigeants historiques du parti à la flamme, Jean-Marie Le Pen, qui l'a cofondé en 1972, et Marine Le Pen, qui en a assumé la présidence entre 2011 et 2022.
Mais aussi le maire de Perpignan Louis Aliot, l'ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, son ex-patron de l'administration Nicolas Bay passé depuis chez Eric Zemmour, l'ex-trésorier Wallerand de Saint-Just, le député et porte-parole du RN Julien Odoul, l'ex-imprimeur du parti Fernand Le Rachinel...
Une seule exception notable: Florian Philippot, numéro deux du parti pendant quelques années, est lui mis hors de cause.
"Chez nos adversaires, tous leurs assistants exerçaient des fonctions dans le cadre de leur parti", a relativisé M. Gollnisch auprès de l'AFP.
Le Modem et son fondateur François Bayrou seront jugés pour des faits comparables entre octobre et novembre.
Pour M. de Saint-Just, dans le cas du FN, "tout le monde plaidera la relaxe et on l'obtiendra pour des questions de principe : le judiciaire ne peut s'immiscer dans le travail du législatif".
La décision sur la tenue effective d'un procès revient désormais aux juges d'instruction.
Le parquet de Paris a souligné vendredi la taille importante de la procédure, vieille de huit ans, mais aussi les "très nombreux recours" formés qui l'ont retardée.
Le ministère public a aussi insisté sur l'importance des peines encourues, dix ans d'emprisonnement, une forte amende mais aussi une peine complémentaire d'inéligibilité qui peut atteindre jusqu'à dix ans.
Soit une menace majeure pour Marine Le Pen, qui s'est présentée lundi comme la "candidate naturelle" de son camp pour la présidentielle 2027.
L'enquête a débuté en mars 2015, après un signalement du Parlement européen. Les investigations ont ensuite été confiées fin 2016 à deux juges d'instruction financiers parisiens.
- "Système centralisé" -
Après plusieurs refus de se présenter devant les juges, Marine Le Pen a été mise en examen en juin 2017 pour "abus de confiance" et "complicité", des poursuites requalifiées plus tard en "détournement de fonds publics".
Dans ses 197 pages de réquisitions, le parquet de Paris évoque "un véritable système mis en place pour faire supporter, par le Parlement européen, une partie des charges de fonctionnement du FN via la prise en charge des salaires d'un nombre croissant de ses employés".
Le ministère public avance un mobile: le parti était alors "en grande difficulté financière".
L'ex-trésorier avait écrit cette lettre à Marine Le Pen en 2014: "Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen (...)".
Pour la législature 2014-2019, au coeur du dossier, le parquet affirme que Marine Le Pen a "imposé aux eurodéputés FN nouvellement élus qu'ils mettent à sa disposition une partie de leur enveloppe budgétaire", 21.000 euros mensuels, "pour la rémunération de collaborateurs afin de soulager les finances du FN."
Le Parlement européen, partie civile, avait évalué en 2018 son préjudice à 6,8 millions d'euros pour les années 2009 à 2017.
Il "partage totalement" la "position du procureur", a réagi auprès de l'AFP l'un de ses avocats, Me Patrick Maisonneuve.
Le Parlement européen a entamé des procédures de recouvrement des sommes incriminées. En juillet, Marine Le Pen a fini de rembourser 339.000 euros, tout en contestant l'analyse.
Dans un dossier distinct révélé par Mediapart en 2022, l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) a par ailleurs accusé le FN d'utilisation indue de frais de mandats, notamment par Mme Le Pen. Le Parlement européen avait annoncé son intention de recouvrer les 600.000 euros en cause.
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(H.Schneide--BBZ)