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Recherché durant 30 ans par toutes les polices d'Italie, le puissant parrain sicilien Matteo Messina Denaro, mort en prison à 61 ans, était un assassin impitoyable, dernier représentant de la vieille garde de Cosa Nostra.
"Avec les personnes que j'ai tuées moi-même, je pourrais remplir un cimetière", se serait vanté auprès d'un ami ce grand amateur d'armes à feu, selon des propos rapportés par la presse italienne et qui ont contribué à bâtir la réputation de ce tueur, qui a commis son premier homicide à 18 ans.
Surnommé Diabolik, du nom d'un criminel protagoniste d'une célèbre BD italienne dont il est lui-même fan, cet homme condamné six fois à la perpétuité était le chef incontesté de Cosa Nostra dans la province de Trapani, dans l'ouest de la Sicile, même si son pouvoir débordait jusqu'à Palerme, la capitale de l'île.
Né le 26 avril 1962 à Castelvetrano (sud-ouest), il baigne dès l'enfance dans le crime organisé: son père, don Ciccio, est le chef du clan local, très apprécié du "capo dei capi" Salvatore Riina (1930-2017), le boss de Corleone surnommé "le fauve" pour sa férocité. Matteo lui aussi nouera des liens étroits avec Riina.
En 1992, il fait d'ailleurs partie d'un groupe de sicaires que ce dernier dépêche à Rome pour faire assassiner le juge antimafia Giovanni Falcone. Ils sont finalement rappelés par "le fauve", qui fera tuer le juge dans un attentat à la bombe le 23 mai près de Palerme.
Cette importante décision est prise avec l'accord d'autres parrains, dont Messina Denaro, qui en 2020 sera condamné par contumace à la perpétuité pour son implication.
Sa cruauté n'a rien à envier à celle du "fauve": en juillet 1992, après avoir participé au meurtre de Vincenzo Milazzo, le chef du clan d'Alcamo, il étrangle aussi sa compagne, enceinte de trois mois.
- Dissous dans l'acide -
En tant que chef du clan de Castelvetrano, ce myope aux épaisses lunettes est le fidèle allié du clan des Corleonesi, immortalisé au cinéma dans "Le Parrain" et dirigé par Riina, dans la guerre meurtrière de Cosa Nostra contre l'Etat.
Après l'arrestation de Riina en janvier 1993, Messina Denaro poursuit sa stratégie de terreur tous azimuts, fournissant un soutien logistique pour organiser la même année des attentats à Florence, Milan et Rome, qui font dix morts et une centaine de blessés.
"C'était le dernier des hommes ayant mis en œuvre la stratégie de violence et d'attentats de Cosa Nostra (...) et l'assassinat de Falcone et Borsellino. Il a toujours fait partie du groupe de dirigeants qui a décidé de tout cela", avait expliqué à l'AFP Roberto Saviano, journaliste et écrivain napolitain spécialiste de la mafia, au moment de son arrestation.
Confronté à une avalanche d'enquêtes pour association mafieuse et homicides multiples, il choisit de disparaître dans la nature durant l'été 1993, tout en continuant à gérer son empire criminel dans l'ombre.
En novembre 1993, il est l'un des organisateurs de l'enlèvement du petit Giuseppe Di Matteo pour contraindre son père Santino à rétracter son témoignage sur l'assassinat de Falcone. Au bout de 779 jours de détention, "Diabolik" et consorts donnent l'ordre de tuer l'enfant de 12 ans, qui est étranglé. Son corps est ensuite dissous dans l'acide.
En 1994 et 1996, les témoignages de repentis permettent de faire la lumière sur son rôle au sein de Cosa Nostra. En 2000, à l'issue du maxi-procès contre la mafia baptisé "Omega" à Trapani, il est condamné par contumace à la prison à perpétuité.
Durant sa cavale, il gère ses "affaires" en communiquant à travers des "pizzini", ces messages écrits sur de petits morceaux de papier appréciés des mafieux pour leur discrétion. Dans sa planque ont été retrouvés, outre des biographies de Poutine et Hitler, des produits dérivés du célèbre film "Le Parrain", notamment un poster d'Al Pacino, mais aussi un magnet avec Marlon Brandon et un autre représentant un boss en smoking avec l'inscription "Le parrain, c'est moi".
En 2015, la procureure Teresa Principato avait estimé que s'il avait pu échapper si longtemps à la police tout en voyageant facilement c'est seulement parce qu'il était protégé "à un très haut niveau", sans toutefois spécifier la nature de cette protection. "Nous avons eu confirmation de sa présence au Brésil, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Autriche", s'était-elle étonnée.
Le montant de sa fortune, bâtie sur le trafic de drogues, les jeux de hasard mais aussi les énergies renouvelables, était évaluée par certains médias italiens à plusieurs milliards d'euros.
(K.Müller--BBZ)