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La traque de dizaines d'hommes soupçonnés d'avoir tué dimanche un policier se poursuit lundi soir dans le nord du Kosovo, Pristina accusant la Serbie d'en héberger certains.
Selon les autorités kosovares, six combattants seraient passés en Serbie, et au moins quatre sont morts. Elles ont expliqué que l'enquête se poursuivait, et invité les journalistes à venir voir l'arsenal que la police dit avoir découvert dans plusieurs endroits: treillis, armes automatiques, munitions par centaines...
Il s'agit maintenant de retrouver les membres du commando lourdement armé qui ont passé plusieurs heures dimanche retranchés dans le monastère de Banjska. Des armes y ont été découvertes, selon un communiqué du diocèse, "abandonnés par les hommes lorsqu'ils ont battu retraite". Aucune trace de sang n'a été découvert sur les lieux ajoute le diocèse, appelant "au calme et à la paix".
Trois hommes ont été tué dimanche, et le corps d'un quatrième a été retrouvé lundi, selon les autorités du Kosovo.
La principale formation politique des Serbes du Kosovo, Srpska Lista, a laissé comprendre dans un communiqué cité par des médias serbes qu'au moins deux assaillants serbes ont été tués après s'être rendus, et a appelé la force de l'Otan (Kfor) et la mission européenne Eulex à déployer leurs troupes dans le nord.
"Nous allons réclamer une enquête sur le meurtre d'au moins deux Serbes qui ont été tués de sang froid, même s'ils s'étaient rendus", ajoute la Srpska Lista.
A Pristina, les drapeaux étaient en berne lundi - deuil national en hommage au policier tué. Dans les rues, certains habitants interrogés par l'AFP blâmaient la Serbie et Russie, comme Ramiz Zakuti, pour qui Belgrade et Moscou "cherchent à lancer la 3e guerre mondiale".
Le Kosovo a dès dimanche matin accusé la Serbie d'être derrière l'attaque - ce que Belgrade s'est empressé de nier, accusant à son tour le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, d'avoir poussé à bout les Serbes du Kosovo avec ses "provocations".
Ce regain de tension, parmi les plus violents depuis la déclaration d'indépendance du Kosovo en 2008, pourrait être un énième obstacle sur la route de la "normalisation" des relations entre la Serbie et le Kosovo.
- "Désescalade" -
L'Union européenne a condamné lundi une attaque "terroriste", et le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken appelé "les gouvernements du Kosovo et de la Serbie à s'abstenir de toute action ou rhétorique qui pourrait aggraver les tensions".
La veille, le président serbe Aleksandar Vucic a martelé que la Serbie "ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo". Lundi matin, son premier post sur Instagram était une photo de lui en compagnie de l'ambassadeur russe en Serbie, légendée ainsi : "Je suis reconnaissant (à l'ambassadeur Alexander Botsan-Kharchenko) d'avoir entendu des prières et des demandes de la partie serbe. Je l'ai informé du fait qu'un nettoyage ethnique brutal est en train de se produire au Kosovo organisé par Albin Kurti, avec le soutien d'une partie de la communauté internationale".
Moscou a prévenu dans la soirée lundi que toute tentative d'aggraver la situation serait susceptible d'entraîner "toute la région des Balkans dans un dangereux précipice". "Il ne fait aucun doute que le sang versé hier (dimanche) est une conséquence directe et immédiate de la politique du soi-disant +Premier ministre Albin Kurti+ d'incitation au conflit", ajoute le ministère russe des Affaires étrangères.
Pristina a déclaré son indépendance de la Serbie en 2008, près de dix ans après que l'Otan a contribué à repousser les forces serbes hors de l'ancienne province au cours d'une guerre sanglante qui a fait environ 13.000 morts, pour la plupart d'origine albanaise.
La Serbie, soutenue notamment par ses alliés russe et chinois, refuse depuis de reconnaître l'indépendance du Kosovo, où vit une communauté serbe d'environ 120.000 personnes. Installée essentiellement dans le nord, certains de ses membres refusent toute allégeance à Pristina.
La région est, depuis, le théâtre de violences récurrentes, les dernières remontant au printemps, lorsque les autorités kosovares ont décidé de nommer des maires albanais dans quatre municipalités à majorité serbe. Cette mesure a déclenché d'importantes manifestations, l'arrestation de trois policiers kosovars par la Serbie et une émeute de manifestants serbes qui a fait plus de 30 blessés parmi les soldats de la KFOR.
La communauté internationale enjoint les deux parties à la désescalade. Mais les dernières tentatives de discussions entre Albin Kurti et Aleksandar Vucic ont échoué mi-septembre après à peine quelques heures.
(K.Lüdke--BBZ)