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Des brèves sur BFM TV et une intervention à l'Assemblée nationale téléguidées par des puissances étrangères, et notamment le Qatar ? Un lobbyiste a été mis en examen et un politologue écroué mercredi soir à Paris dans une enquête sur des soupçons d'ingérence en France.
Après 48 heures de garde à vue, le lobbyiste Jean-Pierre Duthion et le spécialiste du Qatar Nabil Ennasri, 41 ans, ont été tous deux mis en examen dans cette information judiciaire portant sur des soupçons de corruption ou trafic d'influence autour de personnalités françaises, a appris l'AFP de source judiciaire.
Le premier, placé sous contrôle judiciaire, est principalement mis en cause pour abus de confiance, corruption et trafic d'influence d'agent public, blanchiment de fraude fiscale aggravée. Il a été placé en détention provisoire.
Le second a été placé en détention provisoire, comme requis par le Parquet national financier (PNF).
Celui-ci avait confié mercredi ses investigations à deux juges d'instructions, qui disposent de moyens d'investigations étendus, notamment pour enquêter à l'international.
A minima, l'enquête s'intéresse à deux épisodes et à leurs éventuelles contreparties.
Le premier concerne la diffusion par l'ex-journaliste de BFMTV Rachid M'Barki dans ses journaux de la nuit d'une douzaine de brèves illustrées en images, ayant notamment trait aux oligarques russes, au Qatar ou au Sahara occidental.
M. M'Barki a été licencié en février pour faute grave par Altice, le groupe auquel appartient cette chaîne qui a porté plainte.
Tout en déplorant un "lynchage médiatique", le journaliste avait admis avoir fait passer à l'antenne des images fournies par son informateur Jean-Pierre Duthion.
Mais il avait assuré n'avoir eu "à aucun moment l'impression (...) qu'il pouvait travailler pour quelqu'un qui essayait de manipuler une information".
- Versements ? -
Second épisode, une intervention à l'Assemblée nationale de l'élu écologiste Hubert Julien-Laferrière, qui avait vanté en février 2022, à la demande du lobbyiste, le LimoCoin, une cryptomonnaie liée à un homme d'affaires camerounais, qui s'est avérée être une escroquerie.
Le domicile de M. Duthion et le bureau à l'Assemblée du député, qui s'est mis en retrait du groupe des Ecologistes et qui bénéficie d'une immunité parlementaire, ont été perquisitionnés le 27 septembre.
"Je démens fermement les affirmations selon lesquelles je serais +au service+ de M. Duthion" ou d'un "quelconque autre lobby", a indiqué le parlementaire dans un communiqué en février, reconnaissant une "erreur manifeste d'appréciation" concernant "l'épisode des crypto-monnaies".
Outre M. Julien-Laferrière, cette affaire "un peu particulière", selon le mot mercredi soir d'une magistrate du PNF lors d'une audience devant une juge des libertés et de la détention (JLD), pourrait déboucher sur d'autres mises en cause : certains d'entre eux "n'ont pas été interrogés ou n'ont pu l'être car ils sont à l'étranger", a-t-elle souligné.
D'ici là, quel rôle est prêté à MM. Ennasri et Duthion ?
Pour le premier, auteur de plusieurs ouvrages sur le Qatar, les enquêteurs s'interrogent sur une possible fonction d'agent d'influence au profit de la monarchie qatarie, notamment au moment de la Coupe du monde de football, selon le journal Le Parisien.
M. Ennasri "fait pour l’instant usage de son droit au silence", a commenté son avocat, Me Yassine Bouzrou, auprès de l'AFP.
Le quotidien évoque des versements d'argent de M. Ennasri envers M. Duthion. Les enquêteurs "soupçonnent un lien" entre les deux, a précisé à l'AFP une source proche de l'enquête.
"Jean-Pierre Duthion repart libre de cette série d’auditions, et attend désormais que l’information judiciaire aboutisse à sa mise hors de cause. Les infractions qui lui sont reprochées sont vivement contestées : il n’a jamais versé de rémunération à un parlementaire, ni à un journaliste. Il est aujourd’hui contraint de devoir justifier de ses activités de lobbyiste, au mépris du secret des affaires", ont réagi auprès de l'AFP ses avocats Robin Binsard et Guillaume Martine.
La procédure du PNF avait débuté après une plainte de BFMTV et une enquête internationale mi-février du collectif de journalistes Forbidden Stories, à laquelle ont contribué dans l'Hexagone Radio-France et Le Monde. Elle pointait les activités d'une société israélienne, surnommée "Team Jorge", spécialisée dans la désinformation au profit de différents clients, dont des Etats.
Le Qatar n'est pas forcément le seul pays sur lequel se penche l'enquête, d'après la source proche du dossier.
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(K.Müller--BBZ)