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Les énormes réservoirs des poids-lourds, qui contiennent plusieurs centaines de litres de carburant, suscitent la convoitise à l'heure où le prix du gazole s'envole, et les entreprises tentent de se prémunir des vols et des siphonnages.
"Cela nous est arrivé sur l'autoroute, pendant que le chauffeur dort sur une aire de repos (...) Il se réveille le matin et en démarrant, il voit que le réservoir est quasiment à zéro. Il s'est fait siphonner!", déplore Christophe Codderrens, patron de C'Express.
Les 14 chauffeurs de ce transporteur basé à Castelnau-d'Estrétefonds, près de Toulouse, ont donc la consigne de se garer le plus en vue possible, dans des zones éclairées, pour éviter ce type de déconvenue.
Sinon les trafiquants se glissent discrètement près du réservoir, "cassent le bouchon, glissent un tuyau dans le réservoir et avec une petite pompe, ils aspirent le gazole pour le transvaser dans des jerricanes, puis les emportent", explique ce chef d'entreprise de 53 ans, en mimant les gestes sur un de ses camions.
A plus de deux euros le litre de carburant, dérober ne serait-ce qu'une partie de l'un des deux réservoirs de 500 litres d'un poids-lourd de 44 tonnes est plus rentable que s'attaquer à des voitures.
- Clôtures, caméras, alarmes -
Si le phénomène des vols et siphonnages n'est pas encore massif en France, "ça s'accentue".
"Mais bon, la cause on la connaît: c'est l'augmentation du prix du gazole, qui a explosé. Et plus il montera, plus on aura de vols", confirme à l'AFP M. Codderrens, alors qu'il reçoit la référente Sûreté du groupement de gendarmerie de Haute-Garonne, venue le conseiller.
Les autorités alertent en effet sur la nécessité de mettre en place des mesures préventives. "On fait le tour de l'entreprise, on regarde les clôtures, les systèmes d'alarme, de vidéo... tout le système de protection mis en place", précise la maréchale des logis-cheffe Isabelle Maress.
Elle est l'une des 720 référents Sûreté chargés, entre autre, d'effectuer des missions de prévention auprès des acteurs économiques, avec le soutien de 3.600 correspondants formés dans les brigades.
Cette gendarme voyage même "en Amérique latine, en Afrique, etc." pour conseiller les sociétés françaises implantées dans d'autres pays.
Avec la pandémie du Covid, il a fallu améliorer la protection "des entreprises à l'arrêt, donc des marchandises, des véhicules exposés sur des sites vides. Et on continue (...) pour essayer de limiter les dégradations et les vols de carburant en cette période un peu difficile", ajoute-t-elle.
- Rentrer le réservoir vide -
La gendarmerie a en outre "augmenté le nombre de patrouilles de surveillance générale en journée, mais aussi la nuit", ainsi que sur les autoroutes et les aires de repos, avec des actions de prévention auprès des routiers.
"On donne des conseils (...) tels que rentrer avec des réservoirs quasiment vides", détaille la référente Sûreté.
Cette consigne, M. Codderrens la donnait auparavant de façon ponctuelle à ses chauffeurs, qui sillonnent la France et même les pays limitrophes avec leurs gros porteurs, semi-remorques, plateau-grue ou porte-voitures.
Mais c'est désormais systématique: "Le vendredi, on leur demande de rentrer avec le moins de gazole possible" sur le parking de C'Express, équipé "d'halogènes puissants pour éclairer les camions".
Depuis un an, le site est de surcroît cerné de caméras et sous alarme, reliée à un système de télé-surveillance.
Ce chef d'entreprise ne juge en revanche pas utile, et même contre-productif, d'équiper les camions de bouchons anti-effraction: si les trafiquants "veulent vraiment prendre le gazole, ils vont percer le réservoir. Donc, ça fera des dégâts en plus!"
La vraie solution contre les siphonnages serait, selon lui, un "gazole à un prix cohérent". "Quand il était plus bas, on n'avait pas ces problèmes de vol!"
fpp/ap/pb
(O.Joost--BBZ)