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En Corse, l'heure est au recueillement mardi au lendemain de la mort d'Yvan Colonna, militant indépendantiste condamné pour l'assassinat d'un préfet, sur fond d'appels au calme pour éviter une nouvelle flambée de colère sur l'île française de Méditerranée.
Devant la cathédrale d'Ajaccio, bougies et drapeaux frappés de la tête de Maure ont été disposés depuis la nuit sur les marches.
Dans les rues, des "Gloria à tè !" inscrits en noir donnent le ton de l'émotion suscitée par le décès, après trois semaines de coma, du le plus connu de France, qui purgeait une peine de prison à perpétuité pour l'assassinat en 1998 du préfet Claude Erignac. Des faits qu'il a toujours niés.
A la Une du journal Corse-Matin dans les kiosques, un cliché attire le regard: la main d'une femme, les ongles peints, qui caresse une photo du visage du militant nationaliste.
"La Corse traverse une crise identitaire, et avec Yvan Colonna, elle a trouvé son incarnation, son martyr", explique Dominique , 60 ans: "Je crains, je redoute qu'après le deuil ça éclate", poursuit cette Corse de la diaspora venue s'installer dans l'île depuis vingt ans.
Dans les rues, peu acceptent de parler, par respect pour la famille. Des rassemblements sont cependant annoncés, mardi matin à Ajaccio et dans l'après-midi à Bastia.
Devant le lycée Laetitia Bonaparte, dont les portes principales étaient condamnées par des poubelles, 150 jeunes se sont élancés vers 10h15 en direction de la Préfecture, derrière une banderole frappée du message "Yvan martyr de la cause corse", en langue corse. Quant aux forces de l'ordre, elles se faisaient discrètes.
L'agression d'Yvan Colonna le 2 mars à la prison d'Arles (sud), par un détenu djihadiste, avait suscité une colère quasi unanime dans l'île, de nombreux Corses estimant que cette agression n'aurait jamais eu lieu si le militant avait été transféré en Corse comme il le demandait de longue date.
Dans ce contexte, le gouvernement a appelé dès mardi matin "au calme et au dialogue", par la voix de son porte-parole, Gabriel Attal, sur la radio Europe 1. "Toute la lumière sera faite sur l'enchaînement qui a conduit à cette situation qui n'est pas acceptable", a-t-il de nouveau promis.
- Du Pays basque à la Nouvelle-Calédonie -
Mardi matin, le maire d'Ajaccio, Laurent Marcangelli, leader de l'opposition de droite dans l'île a lui aussi appelé à respecter le deuil de la famille, "comme elle le demande avec dignité et sobriété".
Sulidarita, une des associations de défense des prisonniers politiques corses, était cependant dans un autre registre. "Malheur à l'Etat français assassin", a ainsi promis sur Twitter sa secrétaire générale Katti Bartoli.
Pour tenter d'apaiser la situation, le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait passé trois jours sur l'île en fin de semaine dernière, levant le tabou d'une possible autonomie de l'île. Il avait alors annoncé que les conclusions de l'enquête administrative sur l'agression de l'ancien berger de Cargèse devraient être rendues publiques d'ici la fin de cette semaine.
L'audition à l'Assemblée nationale du chef d'établissement de la centrale d'Arles est prévue mercredi.
"Si la loi avait été appliquée et Colonna rapproché, ce drame ne se serait pas produit", a répété mardi matin Michel Castellani, député nationaliste corse, sur la radio franceinfo.
Après l'Assemblée nationale de Catalogne ou le parti basque Sortu, qui ont dès lundi soir apporté le soutien de ces deux régions à forte couleur nationaliste, c'est le FLNKS, partisan de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, qui a fait part de "son total soutien et de ses sincères condoléances" aux militants indépendantistes corses et à la famille d'Yvan Colonna.
L'Union sociale des travailleurs kanaks et le Parti travailliste kanak ont également adressé leur "totale solidarité" avec le mouvement nationaliste corse dans "sa lutte pour sa souveraineté et la reconnaissance de ses droits nationaux".
(F.Schuster--BBZ)