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"Il y a tellement d'enterrements, je n'arrive pas à tous y assister". Devant la mosquée de Karaganda, Arman Kassimov, mineur, se recueille devant le corps d'un de ses collègues tué ce week-end lors du pire accident minier de l'histoire du Kazakhstan.
Portée par une dizaine d'hommes, la dépouille arrive sur l'esplanade, tandis que des femmes crient leur douleur au passage de la procession.
"C'était un bon gars sur qui on pouvait compter, il donnait des conseils à tout le monde", se souvient sous le crachin d'automne M. Kassimov.
Avec une centaine de personnes, le jeune homme assiste à l'enterrement d'Erboulat Adampaïev, qui avait fêté ses 53 ans il y a deux semaines et a perdu la vie dans l'explosion de la mine Kostenko dans la nuit de vendredi à samedi.
Avec 45 morts et un porté disparu qui ne sera probablement pas retrouvé vivant d'après les sauveteurs, ce nouveau drame sur un site d'ArcelorMittal a endeuillé cet immense pays d'Asie centrale.
"La mine, c'est comme un pacte avec le diable. Tu peux faire vivre ta famille, mais elle te prend la vie", résume à l'AFP Arman Kassimov.
Car dans cette région industrielle, travailler dans les mines est l'une des rares façons de recevoir un salaire légèrement supérieur à la moyenne, mais au prix fort.
L'arrivée au Kazakhstan en 1995 d'ArcelorMittal a un temps éloigné les sombres années de la décennie 1990 où l'eau, le chauffage et l'électricité manquaient.
Mais les accidents à répétition ont mis en lumière les manquements aux normes de sécurité dans un bassin minier déjà particulièrement dangereux.
- "Sécurité au niveau zéro" -
En périphérie nord de Karaganda, où débute la steppe, une couronne de fleurs est posée à l'entrée de la mine Kostenko, alors que les sauveteurs s'affairaient toujours lundi à rechercher le dernier mineur porté disparu.
De l'extérieur, peu de choses semblent avoir changé ici depuis la chute du communisme.
En haut des chevalets, des étoiles rouges sont toujours visibles, tout comme sur les murs plusieurs portraits de Vladimir Lénine, le fondateur de l'Union soviétique, alors que cette mine avait été décorée de l'ordre éponyme pour son "travail hautement productif et dévoué", selon la terminologie consacrée.
Immédiatement après l'annonce de l'accident, le gouvernement kazakh a annoncé avoir conclu un accord préliminaire avec ArcelorMittal pour prendre le contrôle de la filiale locale, ce qu'a confirmé le groupe.
Le géant de l'acier était déjà sur la sellette, alors que les mines kazakhes d'ArcelorMittal avaient déjà avalé plus d'une dizaine de mineurs en moins d'un an dans cette province du centre de cette ex-république soviétique riche en ressources naturelles.
"S'il y a souvent des tragédies, cela signifie que la sécurité est au niveau zéro", déplore ainsi Marat Mirguaïazov, représentant d'un syndicat de mineurs.
Et ce même si ArcelorMittal, dirigé par l'homme d'affaires indien Lakshmi Mittal et basé au Luxembourg, répétait avoir tout fait pour améliorer la sécurité sur ses sites ces dernières années.
En attendant les futures mesures que prendra le gouvernement qui promet d'améliorer les conditions de travail des mineurs, le travail de reconnaissance des corps se poursuivait lundi.
"Hier, un chef de brigade devait, à chaque fois, aller identifier les corps retrouvés. C'était dur de le voir, ses larmes ne séchaient pas", se souvient M. Mirguaïazov.
"Il faudra faire des analyses ADN, l'explosion était tellement puissante que tu ne peux pas reconnaître tous les corps", poursuit-il, alors que le souffle a tout balayé sur deux kilomètres et que seuls 14 mineurs ont pu être enterrés.
(A.Berg--BBZ)