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Condamné à perpétuité en Turquie, le mécène Osman Kavala, bête noire du président Recep Tayyip Erdogan, garde l'espoir d'être relâché un jour, même s'il ne sait pas quand cette libération pourrait avoir lieu.
"Je n'ai commis aucun crime et le verdict de ma condamnation à vie ne mentionne aucun acte concret qui puisse être considéré ainsi. Je n'ai donc aucun doute que je serai relâché", affirme-t-il dans un entretien écrit accordé à l'AFP par le biais de ses avocats.
"Ce que je ne sais pas, c'est quand cela arrivera. En prison, le plus bouleversant est de s'attendre à être libéré, sans que ça ne se réalise. J'essaye pour cette raison de ne pas y penser pour préserver ma santé mentale", ajoute-t-il.
En prison depuis six ans, l'homme d'affaires né à Paris, âgé de 66 ans, figure de la société civile, mécène des arts et de la culture, est accusé d'avoir cherché à renverser le gouvernement en finançant des manifestations hostiles au pouvoir en 2013.
Sa condamnation à la "réclusion à perpétuité aggravée", pour son rôle présumé dans les manifestations de Gezi en 2013 à Istanbul, a été confirmée en septembre par la justice turque.
Ce qui signifie qu'il ne peut y avoir de libération anticipée et que le détenu restera à l'isolement.
Osman Kavala a toujours nié les charges pesant contre lui.
Il avait dénoncé un "assassinat judiciaire" contre lui et l'influence du chef de l'Etat sur son procès.
- Irritation d'Erdogan -
Les responsables du Conseil de l'Europe ont sommé à plusieurs reprises la Turquie de libérer immédiatement le mécène turc, après un arrêt jugeant qu'Ankara avait violé la Convention européenne des droits de l'Homme.
Le refus de la Turquie d'appliquer cet arrêt lui vaut une procédure d'infraction, qui pourrait aller jusqu'à son expulsion du Conseil de l'Europe.
En octobre, M. Kavala a reçu le Prix des droits de l'Homme Vaclav Havel du Conseil de l'Europe, suscitant la colère d'Ankara.
Le chef de l'Etat turc exprime régulièrement son irritation concernant l'attention de l'Europe et des Etats-Unis au sort d'Osman Kavala.
En 2021, il a menacé d'expulser dix ambassadeurs des pays occidentaux qui avaient appelé à la libération du mécène.
M. Kavala suit les efforts menés en Turquie et à l'étranger pour sa libération par le biais de son avocat qui lui rend visite deux à trois fois par semaine.
Une journée ordinaire en prison commence pour lui en regardant le journal télévisé, raconte-t-il.
"Je marche un peu lorsque la porte de la cour intérieure est ouverte. Je laisse des miettes de pain pour les moineaux. Je peux utiliser la cour uniquement jusqu'à midi, après la confirmation de ma peine à la réclusion à perpétuité aggravée", affirme-t-il.
Il passe ensuite son temps à lire et à écrire, avant de regarder un film sur la chaîne publique TRT2 le soir.
- "Vitale pour la démocratie" -
Pour lui, il est important que la communauté internationale poursuive les efforts pour la libération des opposants emprisonnés en Turquie.
Le putsch manqué du 15 juillet 2016 avait été suivi de purges et d'arrestations d'une ampleur sans précédent en Turquie contre les partisans présumés du mouvement Gülen, accusé d'avoir fomenté le coup, mais aussi contre des opposants kurdes, des intellectuels ou des journalistes.
"Il est important que les hommes politiques à l'étranger continuent à rappeler au gouvernement turc que le respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme est nécessaire pour le système juridique européen", affirme d'Osman Kavala.
Le chef du principal parti de l'opposition turque, Kemal Kiliçdaroglu, avait dénoncé son "emprisonnement illégal" lorsqu'il lui avait rendu visite début octobre.
Pendant sa campagne pour les présidentielles en mai dernier, M. Kiliçdaroglu s'était engagé à libérer tous les "prisonniers politiques" s'il était élu.
Mais il a été vaincu au deuxième tour des élections le 28 mai dernier et le président Erdogan a été réélu.
M. Kavala espère que l'opposition continuera de faire des efforts.
"Avant les élections, les partis de l'opposition avaient affirmé que l'indépendance de la justice et son fonctionnement conforme à la dignité humaine, ainsi qu'aux normes internationales était leur priorité. J'attends de leur part de maintenir cette question vitale pour la démocratie à l'ordre du jour".
(G.Gruner--BBZ)