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Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez va demander mercredi au Parlement de le reconduire au pouvoir, fort du soutien des indépendantistes catalans obtenu en échange d'une loi d'amnistie hautement controversée.
Le chef de file socialiste, à la tête de l'Espagne depuis juin 2018, prendra la parole à 12H00 (11H00 GMT) devant la Chambre des députés, réunie en session extraordinaire, afin de présenter ses priorités pour ce nouveau mandat d'une durée de quatre ans.
Les responsables des autres formations politiques s'exprimeront ensuite à tour de rôle, avant un vote de confiance prévu jeudi en cours de journée, qui permettra à l'Espagne d'avoir un nouveau gouvernement, près de quatre mois après les élections législatives du 23 juillet.
Arrivé en deuxième position derrière son rival conservateur Alberto Núñez Feijóo, lors de ce scrutin convoqué après la débâcle de la gauche aux élections locales du 28 mai, Pedro Sánchez est assuré d'obtenir la majorité nécessaire à sa reconduction.
A la différence du chef de la droite, incapable d'accéder au pouvoir faute de soutiens suffisants au Parlement, le leader socialiste, réputé pour sa capacité à survivre politiquement, a réussi à nouer de multiples alliances au cours des dernières semaines.
- Majorité absolue -
M. Sánchez a ainsi obtenu le soutien de l'extrême gauche, avec qui il gouverne depuis trois ans, en échange d'un accord prévoyant une nouvelle hausse du salaire minimum et une réduction de 40 à 37,5 heures de la durée de la semaine de travail.
Le responsable de 51 ans a également engrangé l'appui des formations régionalistes, dont les partis basques PNV et Bildu mais aussi et surtout les deux grandes formations séparatistes catalanes: Ensemble pour la Catalogne (Junts), le parti de Carles Puigdemont, et Gauche républicaine de Catalogne (ERC).
De quoi s'assurer un total de 179 voix au Parlement, alors que la majorité absolue est fixée à 176.
Pour gagner le soutien des partis catalans, Pedro Sánchez a néanmoins dû accepter une concession de taille: une loi d'amnistie pour les personnes impliquées en particulier dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017 -- l'une des pires crises politiques qu'ait vécue l'Espagne contemporaine.
Cette mesure, à laquelle le socialiste s'était dit fermement opposé jusqu'à la veille des législatives, va permettre "de guérir les blessures et de résoudre le conflit politique" en Catalogne, a justifié lundi soir l'un de ses proches, le ministre de la Présidence Felix Bolaños.
- Profonde fracture -
Cette amnistie -- réclamée par Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique en 2017 pour échapper aux poursuites judiciaires -- a pourtant réveillé ces derniers jours une profonde fracture au sein de la société espagnole.
Dimanche, des centaines de milliers de personnes ont ainsi manifesté à travers le pays contre cette mesure, à l'appel du Parti populaire (PP) d'Alberto Núñez Feijóo. Et depuis dix jours, des rassemblements quotidiens de l'extrême droite, parfois violents, ont lieu devant le siège du Parti socialiste à Madrid.
L'amnistie "affaiblit l'Etat" et "récompense ceux qui se sont affichés publiquement comme les ennemis de l'Espagne", a insisté Miguel Tellado, haut dirigeant du PP, en appelant Pedro Sánchez à quitter l'Espagne caché "dans un coffre de voiture", comme l'avait fait Carles Puigdemont en 2017.
Le PP, ainsi que le parti d'extrême droite Vox qui appelle à la "résistance" face au nouveau gouvernement, ont prévu de multiplier les recours judiciaires contre l'amnistie. Selon la gauche, qui est certaine que cette amnistie respecte la Constitution, ces recours ne sont pas suspensifs.
Le projet de loi d'amnistie, déposé lundi au Parlement et que Pedro Sánchez espère faire voter dans les prochaines semaines, a également suscité la grogne au sein de la magistrature et provoqué l'inquiétude de Bruxelles, qui a demandé des "informations détaillées" à Madrid.
Signe des tensions réveillées par la mesure: plus de 1.600 policiers seront déployés mercredi et jeudi à Madrid pour l'investiture de Pedro Sánchez, selon le ministère de l'Intérieur. Soit un dispositif équivalent à celui d'un match de football classé à haut risque.
(O.Joost--BBZ)