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Les sanctions politiques sont rapidement tombées contre le sénateur Joël Guerriau, soupçonné d'avoir drogué une députée à son insu et mis en examen: il a été samedi suspendu par son parti Horizons et son groupe parlementaire, qui pourraient l'exclure définitivement.
Réunis dans la matinée, les membres du Bureau politique du parti d'Edouard Philippe se sont mis d'accord à "l'unanimité" pour suspendre "immédiatement" l'élu.
"S'ils sont avérés, les faits évoqués sont très graves", relève Horizons qui "ne tolèrera jamais la moindre complaisance vis-à-vis des violences sexuelles et sexistes". Une procédure disciplinaire pouvant conduire à son exclusion définitive a été déclenchée.
En début d'après-midi, le groupe Les Indépendants au Sénat, où siège l'élu de Loire-Atlantique, a, à son tour, annoncé sa "suspension" et "l'engagement d'une procédure disciplinaire", avec là encore une possible exclusion.
Mis en examen vendredi soir, le banquier de profession, sénateur depuis 2011, est soupçonné d'avoir drogué dans la nuit de mardi à mercredi à son insu la députée MoDem Sandrine Josso en vue de l'agresser sexuellement, accusations démenties par son avocat.
Il est également mis en examen pour "usage et détention de stupéfiants", selon le parquet de Paris, qui avait requis une obligation de suivre des soins. Le juge n’a pas retenu cette mesure, mais l'a placé sous contrôle judiciaire avec notamment l'interdiction de se rendre au domicile de la députée.
D'après le ministère public, Sandrine Josso se serait sentie mal après avoir pris un verre au domicile parisien du sénateur, âgé de 66 ans, avec qui elle n'entretenait pas de relation intime.
Elle a été "prise de malaises après avoir bu une coupe de champagne", puis elle a aperçu Joël Guerriau "se saisir d'un petit sachet en plastique contenant quelque chose de blanc", et a pu "s'extirper in extremis de ce guet-apens", a déclaré à l'AFP son avocate Julia Minkowski.
Des prélèvements dans l'organisme de la députée, prise en charge par des soignants mardi soir à l'Assemblée, ont révélé la présence d'ecstasy, d'après le parquet. Des perquisitions ont été menées au bureau du sénateur et à son domicile où les enquêteurs ont retrouvé de l'ecstasy, a-t-il ajouté.
- "amitié et soutien" -
Joël Guerriau a nié les accusations lors d'une confrontation vendredi. Il "se battra" pour "démontrer qu'il n'a jamais voulu administrer à sa collègue de travail et amie de longue date une substance pour abuser d'elle" et "démontrera que c'est une erreur de manipulation qui a causé le dramatique désagrément", a réagi à l'AFP son conseil Rémi-Pierre Drai.
Samedi sur BFMTV, il a précisé que son client serait possiblement entendu "en janvier" par un juge d'instruction pour la suite de la procédure.
Selon des sources proches du dossier, M. Guerriau a raconté avoir cru s'être procuré auprès d'un membre du Sénat un euphorisant, et non de l'ecstasy, pour sa propre consommation afin de faire face à ce qu'il a décrit comme des épreuves personnelles.
Les députés du groupe MoDem ont publié un communiqué pour apporter leur "amitié et leur soutien total" à Sandrine Josso. Ils ont appelé à ce que "sa parole et sa vie privée (...) soient respectées".
Au gouvernement, les ministres MoDem Marc Fesneau et Jean-Noël Barrot ont aussi défendu l'élue dans "l'épreuve" qu'elle traverse.
"Ni tergiversation, ni complaisance, nos pensées sont tournées vers la plaignante", a abondé le ministre Christophe Béchu, secrétaire général d'Horizons.
Au cours de sa carrière de sénateur, Joël Guerriau a fait partie d'une mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane, en 2020.
A Saint-Sébastien-sur-Loire, ville de l'agglomération nantaise dont le sénateur a été maire pendant 22 ans, l'élu de gauche Hervé Camus évoque une ville "sous le choc".
Il décrit à l'AFP un homme "affable", avec "une certaine aura auprès de la population", mais aussi parfois "très désagréable avec les élus d’opposition" et usant d"un ton pas forcément courtois".
"On est scandalisé par cette affaire et par le comportement de ce sénateur", a réagi Laurent Keunebroek, autre élu de gauche, qui craint "les conséquences sur le regard porté sur les élus".
(H.Schneide--BBZ)