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Frappé par des sanctions occidentales à cause de ses menaces séparatistes, le chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, sera jugé à partir de mercredi devant un tribunal de Sarajevo pour le rejet de l'autorité du Haut représentant international, chargé de veiller au respect de l'accord de paix.
Ce procès est sans précédent en Bosnie, pays des Balkans qui continue à être rongé par ses divisions internes près de trois décennies après la fin d'un conflit intercommunautaire qui y a fait environ 100.000 morts.
L'incontournable chef de la Republika Srpska (RS), l'entité serbe de Bosnie, est le premier dirigeant politique jugé pour le non-respect des décisions du Haut représentant. Il risque jusqu'à cinq ans de prison et une interdiction d'activité politique.
Milorad Dodik, 64 ans, admirateur du président russe Vladimir Poutine, est accusé d'avoir promulgué en juillet, en sa qualité de président de la RS, deux lois adoptées en juin par le Parlement de l'entité serbe et aussitôt annulées par le Haut représentant, Christian Schmidt.
Les textes disposaient que les arrêts de la Cour constitutionnelle bosnienne et les décisions du Haut représentant ne seraient plus respectés dans l'entité serbe.
En annulant ces lois, M. Schmidt, un homme politique allemand qui a pris ses fonctions en août 2021, a en même temps modifié le Code pénal du pays en y introduisant le délit de non-respect de ses propres décisions, ce qui a permis au Parquet d'inculper M. Dodik.
L'administrateur international, dont le poste a été créé par l'accord de paix de Dayton en 1995, est doté de pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent d'imposer ou d'annuler des lois, ou encore de limoger des élus.
Les dirigeants serbes bosniens réclament depuis des années la fermeture du bureau du Haut représentant et le départ des juges internationaux (trois juges sur neuf au total) de la Cour constitutionnelle.
Et Milorad Dodik a fustigé un "procès illégal et politique" visant, selon lui, à l'empêcher de faire de la politique parce qu'il s'oppose au renforcement de l'Etat central bosnien et à ce que le gouvernement central devienne propriétaire des biens de l'Etat, au détriment des entités.
- "Séparation dans la paix" -
"Je ne comprends pas pourquoi je suis ici", a déclaré M. Dodik lors d'une brève audition en octobre.
Aligné sur la position de Moscou, qui considère que M. Schmidt est "illégitime" car sa nomination n'a pas été validée par le Conseil de sécurité de l'ONU, comme celles de ses prédécesseurs, Milorad Dodik rejette l'autorité de l'homme politique allemand depuis son arrivée en Bosnie. Il le traite de "simple touriste" et n'hésite pas à l'insulter dans les médias.
La Russie, suivie par la Chine, avait été prête en juillet 2021 à approuver le mandat de M. Schmidt par une résolution au Conseil de sécurité, à condition que son bureau soit fermé un an plus tard.
Une condition refusée par les puissances occidentales, dominantes au sein du Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC), qui a nommé Christian Schmidt.
En Republika Srpska, le procès contre M. Dodik est présenté comme le procès de l'entité. Depuis septembre, les autorités organisent des rassemblements galvanisants avec le mot d'ordre "Défendons la Republika Srpska", ainsi que de brefs blocages de routes sur la ligne administrative entre les deux entités pour dire que "la frontière existe".
Et Milorad Dodik, sanctionné par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour ses projets séparatistes, ne cesse d'évoquer l'indépendance.
A l'occasion du 28e anniversaire de l'accord de paix, fin novembre, il a déclaré que le sort de la Bosnie serait scellé par une "séparation dans la paix".
"Le processus est lancé. Le train a quitté la gare et ne peut plus faire marche arrière, c'est définitif", a-t-il dit.
(U.Gruber--BBZ)