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Incontournable au Vietnam, le groupe de tech VNG veut devenir un acteur de l'industrie mondiale du jeu en ligne, illustrant les nouvelles ambitions internationales des entrepreneurs de ce pays longtemps concentré sur son marché domestique.
Il est loin le temps où son fondateur, Le Hong Minh, parcourait le Vietnam à motocyclette avec une poignée d'amis pour faire le tour des 5.000 cafés internet du pays et y coller des affichettes publicitaires pour sa start-up du jeu en ligne, Vinagame. C'était en 2004.
Rebaptisé VNG, le groupe est devenu en 2014 la première société vietnamienne de la tech à atteindre une capitalisation de 1 milliard de dollars et a déposé une août une demande d'entrée au Nasdaq, le graal boursier des entreprises du secteur.
"L'objectif que je fixe à mon équipe, c'est que d'ici trois à cinq ans on soit un acteur mondial du jeu", explique le dirigeant de 46 ans depuis ses bureaux sur les bords de la rivière de Saïgon, à Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du pays.
Pour cela, "nous avons besoin d'être visibles sur la scène mondiale et d'attirer des capitaux et des talents du monde entier", souligne-t-il auprès de l'AFP.
Déjà présent en Thaïlande et en Indonésie et plus marginalement en Chine, VNG veut dans un premier temps essaimer en Amérique latine et au Moyen-Orient.
Car cela fait déjà longtemps que le marché vietnamien est devenu trop étroit pour lui.
- Leader de la messagerie -
Outre les jeux en ligne, VNG est également un acteur majeur dans les domaines du paiement mobile, du cloud et de la messagerie au Vietnam via son application Zalo, utilisée par pas moins de 75 des 100 millions d'habitants.
Si le pays dispose, comme beaucoup d'autres, d'une jeunesse avide de nouvelles technologies, Zalo s'y est imposé comme un outil de tous les jours pour l'ensemble de la population, en lieu et place de la majorité des applications occidentales.
"Zalo est très pratique à utiliser", souligne Ha Thi Minh Hoan, une retraitée de 74 ans. "Avec l'âge, on reste beaucoup à la maison et ça nous permet d'envoyer des photos, d'échanger et de rigoler avec les autres. La vie serait monotone sans".
Le jeu continue toutefois d'être le coeur de métier VNG, représentant 80% de son chiffre d'affaires. Le groupe, qui emploie 4.000 personnes, sort pas moins d'une dizaine de nouveautés par an.
La recherche de nouveaux marchés à l'international représente ainsi "une évolution logique", estime Lisa Hanson, PDG du cabinet Niko Partners, spécialisé dans le marché asiatique des jeux en ligne.
Pour Huy Pham, enseignant à l'université RMIT de Ho Chi Minh-Ville, les marchés sont aujourd'hui attentifs aux propositions venant du Vietnam, en "dynamique croissante".
Le constructeur vietnamien de véhicules électriques Vinfast a ainsi fait une entrée en fanfare au Nasdaq mi-août, dépassant même brièvement General Motors et Ford en capitalisation... avant une sévère correction.
- Embûches -
Le chemin risque également d'être semé d'embûches pour VNG, estime M. Huy.
Car si le groupe compte déjà parmi ses actionnaires le géant chinois Tencent --secoué vendredi en Bourse à la suite de l'annonce par Pékin de nouvelles restrictions sur les jeux en ligne--, ses comptes restent dans le rouge.
Selon les documents transmis à l'autorité boursière américaine SEC, VNG a essuyé une perte de 27,4 millions de dollars au premier semestre, après 86,7 millions de dollars de pertes sur l'ensemble de l'année 2022.
L'entrée sur de nouveaux marchés, avec tous les impératifs d'adaptation des produits que cela implique, "augmentera les coûts... et les pertes", au moins dans un premier temps, relève M. Huy.
Selon l'agence spécialisée Bloomberg, VNG a d'ailleurs repoussé son entrée au Nasdaq, initialement attendue pour l'automne, dans l'attente de conditions plus favorables.
Mais Le Hong Minh assure que sa détermination est inentamable.
Il se souvient de ce jour de 2002 où, jeune "gamer", il avait pu quitter son pays communiste encore peu développé pour participer aux World Cyber Games en Corée du Sud.
"Le but ultime, c'est de se mesurer aux meilleurs au monde, n'est-ce pas ?", relève-t-il. Aujourd'hui, "les entreprises vietnamiennes ont beaucoup gagné en compétences et en confiance. Nous devons regarder par delà nos frontières".
(P.Werner--BBZ)