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Le commissaire Souchi, jugé à Lyon pour avoir ordonné une charge à l'origine de graves blessures d'une septuagénaire lors d'une manifestation de "gilets jaunes", a défendu jeudi sa "tactique", "la plus efficace" selon lui pour disperser la foule.
Dès l'ouverture de ce procès rare, les vidéos se sont enchaînées sur les écrans du tribunal correctionnel, montrant la chute de Geneviève Legay, renversée par un policier lors d'un rassemblement interdit à Nice le 23 mars 2019.
Au plus fort du mouvement des "gilets jaunes", les images de la militante d'Attac, alors âgée de 73 ans, inanimée à terre, avaient suscité des remous, le procureur de Nice ayant démenti le jour-même tout contact entre la victime et les forces de l'ordre. Une version endossée ensuite par le président Emmanuel Macron dans un entretien avec Nice-Matin.
Près de cinq ans plus tard, le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, 54 ans, répond, en tant que "chef tactique" du dispositif sécuritaire, de "complicité de violence par une personne dépositaire de l'autorité publique".
A son arrivée au palais de justice, entourée par de nombreux soutiens, Mme Legay, qui garde des séquelles de son traumatisme crânien, a souhaité que "justice soit faite" pour elle, mais "aussi pour toutes les victimes des violences policières".
Mais à la barre, le commissaire, qui risque cinq ans de prison, a fermement défendu sa position.
Commentant les images de la chute, projetées sous plusieurs angles, il a insisté sur le rôle de l'agent qui a bousculé la manifestante, qui n'a pas été renvoyé, lui, devant la justice. "Elle est poussée individuellement par quelqu'un qui s'est "détaché de l'action collective", assure-t-il.
- "Sévèrement" -
La charge était la "tactique la plus efficace ce jour-là" afin de répondre à l'objectif fixé par le préfet: disperser la manifestation, maintient Rabah Souchi, en répondant pendant environ quatre heures d'une voix assurée au flot de questions.
Un objectif qui se justifiait, selon lui, par la présence des manifestants sur les voies de tram et leur refus de partir alors que la manifestation était interdite.
Lorsque la présidente du tribunal évoque la proportionnalité de la charge, il répond: "ce n'est pas une tactique qui peut être disproportionnée, c'est sa réalisation".
"Vous êtes remis en cause assez sévèrement", lui rappelle la présidente, s'appuyant sur le rapport de l'IGPN et plusieurs témoignages, notamment d'officiers de gendarmerie, qui faisaient partie du dispositif de maintien de l'ordre.
Appelé comme témoin, un policier ayant pris part à la charge a assuré que le commissaire, mécontent d'une précédente action, avait dit "vous les défoncez", ce que ce dernier a catégoriquement réfuté.
Les juges d'instruction ont estimé que seul le commissaire portait une responsabilité pénale dans une charge qui n'était "ni nécessaire, ni proportionnée au regard du but à atteindre: disperser une foule calme composée de manifestants pour certains âgés, de journalistes et de simples badauds".
Un témoin, participante à la manifestation, évoque une ambiance de fin de manifestation, et son "incompréhension" au moment de la charge.
- "Réfléchir à trois fois" -
Avant l'audience, les avocats de la défense, Me Arié Alimi et Mireille Damiano, se sont félicités que l'affaire arrive devant les juges. "Beaucoup de dossiers de violences policières n'arrivaient pas à leur terme et là c’est le cas", a souligné Me Damiano.
Comme eux, beaucoup des soutiens de la septuagénaire espèrent que ce procès fasse jurisprudence.
"Derrière, il peut se construire quelque chose. On est pas obligé de subir un autoritarisme, des violences policières", a déclaré à l'AFP Philippe Poutou, porte-parole du NPA, en marge d'une table ronde organisée par Attac à quelques encablures du tribunal.
"S'il y a une condamnation du commissaire, alors je vous assure que dans la police, lorsqu'ils donneront des ordres notamment, ça va réfléchir à trois fois", a renchéri Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale lors d'une prise de parole.
La France a été cette année plusieurs fois rappelée à l'ordre par l'ONU et le Conseil de l'Europe pour "usage excessif de la force" par ses forces de l'ordre. Ce que Paris a systématiquement contesté.
Le procès reprend vendredi à 9H30 avec le témoignage de Mme Legay, suivi des réquisitions et des plaidoiries.
(Y.Yildiz--BBZ)