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Des peines allant de trois mois à trois ans de prison avec sursis ont été requises jeudi contre trois policiers jugés aux assises de Seine-Saint-Denis pour l’interpellation violente en 2017 de Théo Luhaka, érigée en symbole des violences policières.
La peine la plus lourde de trois ans de prison avec sursis a été requise à l’encontre du gardien de la paix Marc-Antoine Castelain, auteur du coup de matraque télescopique à l'anus qui a grièvement blessé la victime. Il était poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente.
Pour les deux autres accusés, Jérémie Dulin et Tony Hochart, poursuivis pour des violences volontaires, l'avocat général a demandé respectivement des peines de six et trois mois de prison avec sursis.
L'audience se poursuit jeudi après-midi avec les plaidoiries de la défense. Le verdict sera rendu vendredi.
Juste avant de prononcer ses réquisitions, l'avocat général Loïc Pageot s'est adressé à Théo Luhaka en déclarant: "vous allez peut-être penser que ces peines peuvent paraître dérisoires".
- "Vie brisée" -
Le magistrat, spécialisé dans les dossiers de violences policières, les a justifiées par l'"absence d’antécédent" judiciaire des trois accusés et du temps long, celui des sept années écoulées depuis le début de l'affaire.
"On part sur un contrôle d’identité banal et au bout du compte une vie brisée", a regretté M. Pageot.
Le jeune homme noir, âgé de 29 ans, est porteur d'une infirmité depuis son interpellation le 2 février 2017 dans la cité des 3.000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) par les trois fonctionnaires de la brigade spécialisée de terrain (BST).
La scène est filmée par les caméras de la ville et montre les policiers procéder à l'arrestation du jeune homme, alors âgé de 22 ans, qui s'y oppose. Au cours de l'empoignade, M. Castelain porte un coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense (BTD) à travers le caleçon de la victime.
Ce coup d'estoc provoque la rupture de son sphincter (muscle annulaire) avec une plaie de dix centimètres de profondeur.
Malgré deux opérations chirurgicales, Théo Luhaka souffre d'incontinence et garde des séquelles irréversibles, selon les experts médicaux.
Au cours du procès, le fonctionnaire de police a exprimé sa "compassion" après avoir provoqué la grave blessure mais a estimé son "coup légitime", "enseigné à l'école".
Une enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait conclu à "un usage disproportionné de la force".
Les trois policiers sont toujours en activité, mutés dans leurs régions d'origine.
- "Violence illégitime" -
En préambule de sa plaidoirie, Me Antoine Vey, avocat de la partie civile, a estimé que "la justice comme la police est une institution qui a un devoir d’exemplarité".
"Ce procès n’est pas le procès de la police. Ce n’est pas le procès de la malchance, de l’accident ou de la violence légitime, c’est le procès de la violence illégitime par des gens qui portent l’insigne du gardien de la paix", a-t-il réaffirmé.
"Vous avez manqué d’humanité, de probité", a lancé Me Vey, en rappelant aux accusés qu'ils avaient eu devant eux "quelqu’un qui déverse des boules de sang", qui "s'est senti comme un sous-homme".
Emu, la voix tremblante, l'avocat a demandé à la cour d'assises de permettre à Théo Luhaka "de passer de son statut de mort-vivant à vivant".
Presque sept ans après cette "affaire Théo" au retentissement national, le débat sur le maintien de l'ordre et l'usage de la force n'a cessé de ressurgir.
Sur le plan administratif, d'éventuelles sanctions disciplinaires seront prononcées "à l'issue de l'instance judiciaire", selon la préfecture de police.
(K.Lüdke--BBZ)