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Violence policière ou légitime? La cour d'assises de Seine-Saint-Denis rend son verdict vendredi au procès de trois gardiens de la paix jugés pour l'interpellation en 2017 de Théo Luhaka, grièvement blessé à l'anus par une matraque.
Presque sept ans après les faits, l'affaire "Théo", devenue emblématique des violences policières, touche à son épilogue.
L'audience doit reprendre à 9H30 à Bobigny. Les accusés pourront prendre la parole une dernière fois avant que la cour ne se retire pour délibérer.
Le principal accusé, Marc-Antoine Castelain, 34 ans, est poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné "une mutilation ou infirmité permanente" sur la victime, avec les circonstances aggravantes de sa qualité de personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme et en réunion.
C'est parce que Théodore Luhaka garde des séquelles irréversibles de son arrestation le 2 février 2017 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) que les policiers se retrouvent sur le banc des accusés depuis deux semaines. Un fait rare dans les affaires de violences policières.
La peine la plus lourde, trois ans de prison avec sursis, a été requise à l'encontre de M. Castelain, auteur du coup de matraque.
Pour ses deux collègues Jérémie Dulin, 42 ans, et Tony Hochart, 31 ans, poursuivis pour violences volontaires, l'avocat général a demandé jeudi des peines respectives de six et trois mois de prison avec sursis.
Le magistrat Loïc Pageot les a justifiées par l'"absence d'antécédent" judiciaire des trois accusés et le temps long de l'affaire, qui a basculé avec la vidéo de l'interpellation.
Alors que la victime est dos au mur, prise en étau par deux fonctionnaires de police, elle reçoit un coup avec la pointe d'un bâton télescopique de défense (BTD). Son sphincter (muscle annulaire) se déchire.
"Je me suis senti violé", a confié Théo Luhaka à la barre. Le jeune homme, qui a célébré sa 29e année à l'ouverture du procès, se rêvait "grand footballeur".
Il souffre désormais d'incontinence et s'enferme dans sa chambre où il regarde la même série policière en boucle.
L'agent qui a effectué le coup d'estoc a exprimé sa "compassion" pour la victime mais a estimé son "coup légitime" et affirmé qu'il lui avait été "enseigné à l'école".
- "Exaspération" -
A ce geste, s'ajoutent des tirs de gaz lacrymogène, des coups de genou et de poing portés par les gardiens de la paix quand Théo était menotté au sol.
L'un des policiers a concédé un coup illégitime lors de son interrogatoire lié à son "exaspération" d'avoir perdu "le contrôle sur une interpellation".
Une enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale, "la police des polices", avait conclu à "un usage disproportionné de la force".
"Il faut arrêter avec l'image d'Epinal d'un geste qu'on a appris à l'école (...). Ce n'est pas parce que c'est un geste acquis en formation que de facto cela va porter un caractère légitime", a dit son co-auteur en audience.
La brigade spécialisée de terrain (BST) où les trois policiers exerçaient avait fait l'objet de plusieurs plaintes. Ils ont été mutés dans leurs régions d'origine.
Le ministère public a aussi requis une interdiction d'exercer de cinq ans sur la voie publique pour M. Castelain et de deux ans pour M. Dulin.
Deux avocats ont plaidé l'acquittement, jugeant que leurs clients étaient dans une situation de légitime défense.
Au lendemain de cette affaire qui avait provoqué une vague d'indignation renforcée par la publication de vidéos, des violences avaient éclaté en banlieue parisienne.
Théo Luhaka avait appelé au calme depuis son lit d'hôpital, où le jeune homme avait reçu la visite du président François Hollande.
(P.Werner--BBZ)