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Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a ouvert un nouveau débat sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution mercredi à l'Assemblée, en promettant aux parlementaires, et surtout indirectement aux sénateurs, de prendre "le temps qu'il faut" pour faire aboutir cette réforme historique.
"L'IVG n'est pas une liberté comme les autres, car elle permet aux femmes de décider de leur avenir", a lancé le ministre aux parlementaires. "Il n'existe pas, aujourd’hui, de véritable protection supra législative du droit ou de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse", a-t-il insisté.
"Insidieusement, à travers le monde, ce droit recule", a abondé ensuite la ministre déléguée à l'Égalité hommes/femmes Aurore Bergé, appelant à se montrer "à la hauteur de nos mères et de nos filles".
Car la voie choisie pour une révision constitutionnelle nécessite que les deux chambres adoptent un même texte, avant qu'il soit soumis à un scrutin au Congrès réunissant les deux chambres, et nécessitant 3/5e des voix.
L'Assemblée devrait adopter sans surprise en fin de séance l'article unique du projet de loi - comme elle l'avait fait fin 2022 pour une proposition de Mathilde Panot (LFI) qui entendait consacrer un "droit" plutôt qu'une "liberté". Mais le texte ne sera considéré comme adopté que le 30 janvier, après un dernier vote solennel dans l'hémicycle.
Viendra ensuite une étape bien plus incertaine. Le Sénat, dominé par la droite, avait adopté à une courte majorité une version modifiée du texte LFI, consacrant une "liberté" plutôt qu'un "droit".
Pour qu'un Congrès puisse être réuni rapidement, il faudrait qu'il valide cette fois fin février les mots "liberté garantie". Dans le cas contraire, la navette parlementaire reprendrait.
- Calendrier de la discorde -
Mais la droite sénatoriale avait vécu comme une forme de pression le fait que le gouvernement suggère en décembre dernier la date du 5 mars pour une réunion du Congrès, qui supposerait que le Sénat avalise la rédaction du gouvernement.
"Nous prendrons le temps qu'il faut pour aller au bout de cette révision", a tenté de déminer Eric Dupond-Moretti mercredi.
Sur le fond, le ministre s'est efforcé de répondre aux inquiétudes de la droite parlementaire, divisée sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution, mais qui s'inquiète qu'elle puisse par exemple aboutir à des allongements de la durée légale pour une IVG sans que le Conseil constitutionnel ne puisse s'y opposer.
La révision ne créera pas de "droit absolu et sans limite", a-t-il insisté, et "une loi qui porterait par exemple le délai maximal pour avorter à 30 semaines pourrait tout à fait être censurée", a-t-il répondu.
A gauche, Mathilde Panot (LFI) a dénoncé les "anti-droits (qui) siègent y compris dans cet hémicycle, à l'extrême droite", en citant nommément des députés RN, ou en rappelant des propos de Marine Le Pen en 2012 sur des "avortements de confort", bien qu'elle ait voté fin 2022 pour la loi LFI.
"Il n'est pas question que notre famille politique remette en cause l’accès à l'avortement", a rétorqué Pascale Bordes (RN), critiquant une réforme "inappropriée et inutile".
"La France n'est pas isolée et hermétique ou autarcique au monde. Rien ne la prémunit par principe des mouvements conservateurs ou réactionnaires", a alerté le président de la commission des Lois Sacha Houlié, citant les exemples de recul aux Etats-Unis, en Hongrie ou en Pologne.
Peu avant 14h, une centaine de manifestants, élus de gauche et associations féministes, se sont rassemblés à proximité du Palais-Bourbon pour assurer qu’ils ne "lâcheraient rien".
"Je ne vois pas pourquoi (...) l'avortement ne serait pas attaqué si l'extrême droite arrivait au pouvoir", estime Sarah Durocher, présidente du Planning familial.
(Y.Berger--BBZ)