AEX
-3.2400
La société espagnole Terra Fecundis, qui envoyait des travailleurs, majoritairement équatoriens, dans des exploitations agricoles du sud de la France, a été condamnée une seconde fois en un an pour violation des règles européennes du travail détaché.
Des gérants d'exploitations agricoles du Gard et des Bouches-du-Rhône, qui faisaient appel à ses services pour recruter des employés, notamment pour la cueillette des fruits en été, ont dans le même temps été condamnés à des amendes pour "travail dissimulé".
Et l'un d'entre eux a écopé de prison avec sursis pour avoir hébergé ces saisonniers pendant des années dans des conditions plus que déplorables.
L'entreprise de travail temporaire installée à Murcie (sud de l'Espagne), aujourd'hui rebaptisée Work for All, avait fait l'objet dès 2014 d'un signalement auprès du parquet de Nîmes car elle prétendait avoir recours à des travailleurs saisonniers selon les règles du détachement temporaire en vigueur dans l'Union européenne.
Mais elle réalisait une bonne part de ses 50 millions de chiffre d'affaires annuel en France, sans pour autant avoir procédé aux déclarations sociales et fiscales nécessaires.
Au total, entre 2012 et 2015, le groupe espagnol avait fourni plus de 26.000 salariés, majoritairement sud-américains, à diverses exploitations agricoles françaises. Ils étaient largement privés du paiement de leurs heures supplémentaires, contraints de travailler jusqu'à 70 heures par semaine pour certains.
En juillet 2021, elle avait été condamnée pour cela par le tribunal correctionnel de Marseille, qui lui a infligé une amende de 500.000 euros. Ses trois dirigeants espagnols, Juan Jose Lopez Pacheco, son frère Francisco et Celedenio Perea Coll, avaient été condamnés à quatre ans de prison avec sursis et à 100.000 euros d'amende.
Terra Fecundis a à nouveau été jugée le mois dernier, cette fois par le tribunal correctionnel de Nîmes (Gard), pour des faits similaires concernant la période décembre 2017-octobre 2018.
Le 1er avril, elle a été condamnée à une amende de 375.000 euros d'amende, selon le texte du jugement obtenu lundi par l'AFP. Elle a en outre été interdite définitivement d'exercer toute activité liée au travail temporaire en France.
Les dirigeants de la société espagnole n'étaient pas poursuivis.
- "Répugnant, repoussant, indescriptible" -
En revanche, les gérants de sept exploitations agricoles françaises partenaires étaient aussi sur le banc des accusés. Ils ont tous écopé d'amendes allant de 10.000 à 15.000 euros, dont une partie variable avec sursis, pour "travail dissimulé" et "emploi illégal de travailleurs étrangers".
L'un des gérants, qui possédait notamment un lieu surnommé "El Carcel" (la prison, en espagnol) par les travailleurs sud-américains, a en outre été condamné à six mois de prison avec sursis.
Sur un des sites qu'il exploitait, constitué d'un bâtiment en dur et de 11 mobiles-homes installés en plein champ, les inspecteurs du travail avaient constaté que les douches étaient dans un "état de saleté indescriptible", les "cabinets d'aisance dans un état répugnant" et les cuisines dans un "état de saleté repoussant".
Sur un autre de ses sites, des salariés avaient expliqué ne pas pouvoir dormir à l'intérieur en cas de fortes chaleur en raison de l'absence de ventilation et de la condamnation des fenêtres.
Les inspecteurs du travail, dont le rapport a été versé au dossier pénal, concluaient que "les conditions élémentaires d'hygiène et de confort" n'étaient "pas respectées" et les conditions de vie "contraires à la dignité humaine".
Le syndicat CFDT, qui s'était constitué partie civile au côté notamment de la CGT et de FO, s'est réjoui lundi de l'issue du procès de Nîmes.
"C'est évidemment une nouvelle décision très satisfaisante, puisqu'elle enfonce le clou du jugement de Marseille (en ce qui concerne Terra Fecundis) et qu'elle condamne des exploitants agricoles", a commenté l'avocat du syndicat, Me Vincent Schneegans. "Cela doit constituer un signal d'alerte pour les entreprises agricoles", car cela "concerne 5.000 salariés par an dans le sud de la France", a-t-il ajouté.
Terra Fecundis a également été montrée du doigt en 2020 pour les mauvaises conditions d'hébergement de ses ouvriers agricoles après l'apparition de 258 cas de Covid chez des saisonniers en Provence.
(L.Kaufmann--BBZ)