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Reprendre le flambeau et sortir de l'ombre: Ioulia Navalnaïa, la veuve de l'opposant russe Alexeï Navalny, a appelé les soutiens de son mari à se rallier derrière elle pour lutter contre le pouvoir de Vladimir Poutine.
Toutes ces années, jusqu'à la mort en prison du principal ennemi du président russe, Ioulia Navalnaïa, 47 ans, était là, à ses côtés, soutenant ouvertement son engagement. Mais toujours en retrait.
Dans une vidéo publiée lundi, elle a choisi d'incarner à son tour l'opposition russe décimée, écrasée, mais pas morte, réitérant son opposition à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
"Je poursuivrai l'oeuvre d'Alexeï Navalny. Je continuerai pour notre pays, avec vous. Et je vous appelle tous à vous tenir près de moi (...) C'est une honte de se laisser effrayer", a-t-elle déclaré, cheveux blonds rassemblés, comme toujours, dans un chignon serré.
Se tenant dignement face à la caméra, parfois la voix serrée, elle est revenue sur le parcours et les souffrances de son mari.
"Nous devons nous unir pour frapper d'un seul coup Poutine, ses amis, les voyous en épaulettes, les courtisans et les tueurs qui veulent paralyser notre pays", a-t-elle lancé, usant de formules rappelant celles de son époux.
- Personnalité publique -
Cela faisait deux ans qu'elle n'avait pas vu son mari quand elle a appris sa mort, alors qu'elle se trouvait à la conférence de Munich sur la sécurité. Au bord des larmes, elle avait alors déjà pris la parole et accusé Vladimir Poutine de l'avoir tué.
Née à Moscou en 1976, cette économiste de formation a vécu avec Alexeï Navalny l'espoir des grandes manifestations qu'il a mobilisées en Russie, l'angoisse d'un empoisonnement en 2020 et du retour à Moscou quelques mois plus tard, ensemble.
Dès son atterrissage, il avait été arrêté.
L'opposant emprisonné répétait qu'il serait incapable de continuer sans sa femme, qui, face à la répression exacerbée depuis l'attaque du Kremlin en Ukraine, s'est réfugiée en Europe occidentale, notamment en Allemagne.
La question se pose désormais de savoir comment elle poursuivra la lutte à l'étranger, à l'image de Svetlana Tikhanovskaïa, devenue figure de proue de l'opposition au Bélarus après l'emprisonnement en 2020 de son mari.
Contrairement à Vladimir Poutine, dont la vie privée tient du secret d'Etat, le couple Navalny mettait en avant son quotidien en famille, avec leurs deux enfants.
Et Ioulia Navalnaïa est donc devenue une personnalité publique. Sa notoriété avait d'ailleurs poussé certains partisans d'Alexeï Navalny à lui promettre un avenir politique, avant même qu'il ne soit derrière les barreaux.
Elle avait jusqu'ici balayé cette idée, se décrivant comme une mère et une compagne avant tout.
Son discours, immédiatement après l'annonce du décès de son mari, puis sa volonté de prendre sa succession, a assis son image de femme forte, prête à de nouvelles épreuves.
- "Plus radicale" -
En 2020, Ioulia Navalnaïa avait vu Alexeï Navalny échapper de peu à la mort, empoisonné en Sibérie par une substance de "type Novitchok", un puissant agent innervant, selon une analyse européenne.
Elle avait réussi à lui faire quitter la Russie pour l'Allemagne alors qu'il se trouvait dans le coma, aux mains de médecins locaux qui refusaient de le laisser partir.
"A chaque moment quand on était là, je me disais +je dois le faire sortir+", a-t-elle dit, accusant les médecins d'avoir voulu faire traîner le processus jusqu'à ce qu'il meure ou que le produit neurotoxique ne soit plus détectable.
Cinq mois plus tard, elle était tout aussi impressionnante quand le couple est rentré à Moscou en sachant très bien que ce voyage se terminerait en prison.
"Garçon, apportez-nous de la vodka, on rentre à la maison", avait-elle dit dans l'avion, filmée aux côtés d'Alexeï Navalny, rejouant une scène d'un film russe culte.
Après une rapide étreinte avec son mari, embarqué par la police et qu'elle ne reverrait plus jamais libre, elle avait été accueillie à l'aéroport par une foule clamant "Ioulia!".
Alors qu'il se remettait sur pieds en Allemagne, après son empoisonnement, Alexeï Navalny avait dit en plaisantant que les vues de sa femme étaient plus radicales que les siennes.
"Quand vous n'êtes pas en politique mais que vous voyez les choses les plus sombres commises contre votre famille alors, bien sûr, ça vous radicalise", expliquait-il.
(A.Berg--BBZ)