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Le gouvernement argentin a suspendu lundi les activités de l'agence de presse publique Télam et bloqué l'accès à ses bâtiments à Buenos Aires, le temps de préparer sa fermeture annoncée par le président ultralibéral Javier Milei qui l'accuse de "propagande".
Fondée en 1945 par l'ancien président Juan Domingo Peron, alors secrétaire au Travail et à la Sécurité sociale, Télam, qui emploie plus de 700 personnes, est le premier organe de presse à subir les affres du président Milei.
Ce dernier a annoncé sa fermeture vendredi soir lors d'un discours devant le Parlement, avançant que l'agence avait été "utilisée durant les dernières décennies comme une agence de propagande kirchneriste", en référence à l'ancienne présidente péroniste (centre-gauche) Cristina Kirchner.
En février, son gouvernement avait fait savoir qu'il comptait "modifier la structure organique et fonctionnelle" de tous les médias publics, dont Télam, la radio et la télévision nationales.
Le président Milei, qui se décrit lui-même comme un "anarcho-capitaliste", a pris ses fonctions en décembre en promettant de réduire au minimum le rôle de l'État, qu'il considère comme un obstacle à la liberté économique.
Un cordon de policiers et des barricades empêchaient lundi quiconque de pénétrer dans les deux bâtiments de l'agence Télam à Buenos Aires, dont son siège, a constaté l'AFP. Son site internet était hors service.
Le porte-parole de la présidence, Manuel Adorni, a expliqué lors d'une conférence de presse que le gouvernement avait envoyé un communiqué "à tout le personnel, l'exemptant de fournir des services pendant sept jours avec maintien de salaire".
"Cette semaine, nous connaîtrons le plan que le gouvernement élabore pour la fermeture de Télam et le sort de chacun des employés", a-t-il ajouté.
Tomas Eliaschev, journaliste et délégué syndical de l'agence de presse a dénoncé "la décision brutale du gouvernement" de bloquer l'accès aux bâtiments. "Malheureusement, aujourd'hui, nous sommes venus et nous n'avons pas pu entrer", a-t-il déclaré à l'AFP.
"L'agence Télam joue un rôle pour la démocratie, non seulement les emplois de 770 familles sont touchés, mais aussi le droit à l'information", a-t-il poursuivi, assurant que le personnel était en train d'évaluer les mesures sur "tous les fronts", "politique, syndical et juridique", pour annuler la décision.
- "annonces grandiloquentes" -
Le porte-parole de la présidence a assuré que la fermeture de l'agence n'avait "rien à voir avec la liberté d'expression ou la liberté de la presse ou toute autre question qui va a l'encontre des fondements de la démocratie".
"Ce qui se passe n'est ni plus ni moins que ce que le président a promis lors de sa campagne", a-t-il justifié, ajoutant que cette année les pertes de Télam avaient été estimées à environ 20 milliards de pesos (23 millions de dollars).
Avant sa conférence de presse, des journalistes accrédités auprès de la présidence ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Télam ne fermera pas".
Pour Martin Becerra, spécialiste des médias à l'institut de recherche Conicet, une fermeture définitive de Télam sera compliquée à mettre en oeuvre.
"Le gouvernement de Milei a été plus efficace jusqu'à présent pour faire des annonces grandiloquentes que pour gérer l'Etat", fait-il valoir auprès de l'AFP, soulignant son "improvisation constante dans la gestion au jour le jour" du pays.
A la mi-journée, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant un des bâtiments de l'agence pour protester contre l'annonce de fermeture. Des banderoles de différents syndicats et organisations sociales, ainsi que de partis de gauche étaient visibles.
"Je suis venu parce qu'il est important pour l'Etat d'avoir un média qui est littéralement le seul qui soit fédéral, le seul qui soit là quand quelque chose se passe à Santiago del Estero ou à Tierra del Fuego", dit à l'AFP Eric Soto, un graphiste de 27 ans.
(O.Joost--BBZ)