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La Nouvelle-Calédonie était en proie aux blocages des routes, malgré les moyens engagés par l'Etat pour rétablir la circulation, avant un nouveau Conseil de défense convoqué à 18h30 à Paris par le président Emmanuel Macron.
Aucune issue à la crise sécuritaire et politique ne se dessinait dans l'archipel lundi, jour férié, après une semaine d'émeutes en réaction à une réforme du corps électoral décriée par les indépendantistes.
Le chef de l'Etat avait présidé un premier Conseil de défense mercredi consacré à ce territoire du Pacifique sud, conclu par l'instauration de l'état d'urgence. Un deuxième jeudi avait préparé l'envoi massif de renforts de police et de gendarmerie.
Malgré leur arrivée, les voies de communication restent bloquées là où les émeutiers ont installé leurs barrages, notamment dans l'agglomération de Nouméa et sur la route d'une cinquantaine de kilomètres qui mène à l'aéroport international.
Permettre la circulation sur la voie express puis la route qui mène vers cet aéroport est le premier objectif des autorités françaises. Il presse d'autant plus que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont demandé durant le week-end à pouvoir poser des avions afin de rapatrier leurs concitoyens.
- L'Australie s'inquiète -
"La situation est vraiment préoccupante", a déclaré lundi le chef du gouvernement australien Anthony Albanese à la télévision ABC.
Le représentant de l'Etat central en Nouvelle-Calédonie s'est pourtant félicité lundi du "succès" du début d'une vaste opération de la gendarmerie contre les barrages sur cette route, lancée à l'aube dimanche.
"Cette opération est un succès avec 76 barrages neutralisés grâce à la mobilisation des forces de sécurité intérieure, des entreprises privées et aux moyens matériels déployés sur le terrain", a expliqué dans un communiqué le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc. "Ces moyens seront maintenus dans les prochains jours, pour assurer le retrait des carcasses de véhicules sur les voies (...) dans les deux sens de circulation".
D'autres actions des unités d'élite de la police et de la gendarmerie ont été annoncées dans des zones considérées par les autorités comme des "points durs", dans les villes de Nouméa, Dumbéa et Païta notamment.
Dans la nuit de dimanche à lundi, des bruits de grenades de désencerclement, utilisées par les forces de l'ordre pour disperser les émeutiers, ainsi que des cris évoquant des affrontements ont été entendus dans le quartier d'Auteuil à Dumbéa, dans l'agglomération de Nouméa, selon un correspondant de l'AFP.
Et dans la "capitale" calédonienne, des détonations importantes ont résonné dans les quartiers de Magenta et Tuband, selon une autre journaliste de l'AFP.
Lundi matin, la zone industrielle où se trouve la Société du nickel, dans le quartier de Montagne coupée à Nouméa, a vu l'incendie d'un entrepôt dont se dégageait une épaisse fumée noire.
Les gendarmes "sont passés, ils ont déblayé, et nous, on est restés sur le côté", a confié dimanche à l'AFP Jean-Charles, la cinquantaine, tête enturbannée d'un foulard et drapeau kanak à la main à La Tamoa, à quelques kilomètres de l'aéroport. "Une fois qu'ils sont passés, on a remis le barrage".
Depuis le début de la semaine, les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois Kanak (autochtones), dans l'agglomération de Nouméa.
- Risque d'"escalade" -
Globalement, la reconquête des routes et quartiers bloqués devrait être un travail de longue haleine, alors que les dégradations continuent et que les forces de l'ordre estiment le nombre d'émeutiers entre 3.000 et 5.000.
"Nous restons dans une démarche pacifique", a indiqué dans un communiqué lundi la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par les autorités d'attiser les violences au contraire.
La CCAT se défend en indiquant qu'elle a seulement appelé à des barrages "filtrants", qui laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, et en arrêtent d'autres.
La maire de Nouméa, Sonia Lagarde (Renaissance), a appelé lundi à la retenue. "Les esprits sont assez échauffés parce que ça fait une semaine maintenant. Moi j'ai peur qu'on ne franchisse une escalade supplémentaire, parce que s'il commence à y avoir des tirs ça veut dire que les gens bien sûr, on le sait, sont armés", a-t-elle déclaré sur BFMTV.
Pour le haut-commissaire, les dégâts contre les infrastructures pénalisent lourdement la population. "Des écoles ont encore été détruites", de même que "des pharmacies, des centres vitaux d'approvisionnement alimentaire, des surfaces commerciales", a listé dimanche M. Le Franc. "On commence à manquer de nourriture", prévenait-il.
- "Proche de l'enfer" -
"L'île la plus proche du paradis est devenue l'île la plus proche de l'enfer", ont écrit les Eglises catholique et protestantes de Nouvelle-Calédonie dans une déclaration commune lue aux messes et cultes de Pentecôte, lançant "un vigoureux appel à l'arrêt des violences".
Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool et le bannissement de l'application TikTok.
L'interdiction de ce réseau social, destinée notamment à limiter les contacts entre émeutiers, fait l'objet d'un recours d'associations de défense des libertés qui sera examiné en urgence mardi par le Conseil d'Etat.
La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux scrutins provinciaux de Nouvelle-Calédonie, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Elle a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.
Ce texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d'ici là.
Le consensus semble moins net sur un report de la convocation du Congrès, dont la date n'est pas arrêtée.
En outre-mer, les présidents de plusieurs exécutifs (région Réunion, département de la Guadeloupe, collectivités territoriales de Martinique et de Guyane) et près d'une vingtaine de parlementaires ont demandé le "retrait immédiat" de la réforme pour empêcher une "guerre civile".
(H.Schneide--BBZ)