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Le Vatican a annoncé mardi classer l'enquête sur l'influent cardinal canadien Gérald Cyprien Lacroix, soupçonné d'agression sexuelle sur une mineure dans son pays, en se fondant sur un rapport commandé par le pape François à un ancien juge québécois.
"Ce rapport ne permet pas d'identifier quelque geste d'inconduite ou d'abus de la part du cardinal", a affirmé mardi le Vatican dans un communiqué. "Une procédure canonique plus poussée n'est pas envisagée" contre ce proche conseiller du pape François, conclut-il.
Un décision dont le caractère définitif risque de faire du bruit au Canada, où la procédure judiciaire est toujours en cours.
Âgé de 66 ans, le prélat né à Saint-Hilaire de Dorset (Québec) est soupçonné d'"attouchements" sur une mineure, dans le cadre d'une action collective visant plus d'une centaine de membres du diocèse de Québec. Cette action ouverte en 2022 regroupe les témoignages de 147 personnes.
Selon le document judiciaire consulté par l'AFP, celui qui est archevêque de Québec depuis 2011 et cardinal depuis 2014 aurait procédé à des "attouchements" sur une mineure de 17 ans au moment des faits reprochés, entre 1987 et 1988.
Face à cette affaire, le pape François avait demandé en février à l'ex-juge André Denis "de conduire une enquête portant sur les faits, les circonstances et l'imputabilité du délit allégué". Une première pour le Vatican qui n'avait jamais confié à un laïc une enquête visant un cardinal.
Le magistrat, retraité de la cour supérieure du Québec, a notamment dirigé la commission chargée d'enquêter sur le religieux français Joannes Rivoire, 93 ans, accusé d'agressions sexuelles sur de jeunes Inuits au Canada dans les années 1960. Il avait accepté la mission en précisant que le rapport serait "soumis au pape François" pour décider de la suite à donner.
Selon le Vatican, le juge Denis a conclu son enquête préliminaire le 6 mai et ses conclusions ont été communiquées "les jours suivants" au pape, qui a donc avalisé la décision d'abandonner la procédure canonique à l'encontre du cardinal Lacroix, l'un des neuf membres du C9, le conseil des neuf cardinaux qui l'assiste dans le gouvernement de l'Eglise et se réunit régulièrement au Vatican.
- "Tolérance zéro" -
"Jamais, à ma connaissance, je n'ai posé de gestes inappropriés envers qui que ce soit, qu'il s'agisse de personnes mineures ou adultes", s'était défendu fin janvier le prélat, se disant "très affecté par l'étendue des dégâts qu'occasionnent ces allégations non fondées".
Il avait annoncé "un retrait temporaire" pour "permettre de mieux évaluer les prochains pas à faire", restant toutefois membre du C9.
"Les éléments recueillis au cours de mon enquête rendent peu plausibles que les faits reprochés au cardinal se soient produits", a conclu le juge Denis. "Ma seule réserve était que je n’ai pu rencontrer la demanderesse comme j'aurais souhaité le faire. Je suis privé d'un élément de preuve important", a-t-il ajouté, expliquant avoir cherché à plusieurs reprises à entendre la plaignante ou à avoir accès à sa plainte, ce qu'elle a toujours refusé.
Depuis l'élection du pape François en 2013, au moins trois autres cardinaux ont été mêlés à des accusations d'agressions sexuelles, dont Marc Ouellet, lui aussi canadien, qui occupait jusqu'en 2023 l'une des fonctions les plus importantes au sein de la Curie, l'administration centrale du Saint-Siège. Ce dernier a toujours nié "fermement" des accusations "diffamatoires".
Fin 2022, le cardinal français Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Bordeaux, avait reconnu avoir eu un comportement "répréhensible" avec une adolescente il y a 35 ans. L'enquête de la justice française pour "agression sexuelle aggravée" a été classée sans suite en raison de la prescription des faits, mais une enquête du Vatican se poursuit.
En 2019, le pape François avait défroqué l'ancien archevêque de Washington, Theodore McCarrick, une sanction quasi-inédite dans l'histoire de l'Eglise concernant un cardinal, après que le Vatican l'eut reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement au moins un adolescent de 16 ans en 1974, et d'avoir eu un comportement sexuel déplacé auprès de séminaristes adultes.
La lutte contre les violences sexuelles dans l'Eglise constitue l'un des chantiers du pontificat de François, qui défend une politique de "tolérance zéro" face à la multiplication des scandales tout en reconnaissant que l'Eglise doit "faire plus" contre ce fléau.
Le pape argentin a créé une commission consultative pour la protection des mineurs, levé le secret pontifical sur les violences sexuelles du clergé et obligé religieux et laïcs à signaler tout cas à leur hiérarchie. Mais le secret de la confession demeure absolu et les associations de victimes réclament davantage de mesures.
(U.Gruber--BBZ)