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Des peines de 18 ans de réclusion criminelle, assorties d'une période de sûreté des deux tiers, ont été prononcées jeudi par la cour d'assises spéciale de Paris à l'encontre des deux accusés jugés en appel au procès de l'attentat de Nice qui a fait 86 morts le 14 juillet 2016.
La cour a confirmé les peines prononcées en première instance à l'encontre de Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud, poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, en y ajoutant la période de sûreté.
M. Ghraieb, un Franco-Tunisien de 48 ans, a été en outre interdit de séjour dans les Alpes-Maritimes pour une durée de 15 ans et Chokri Chafroud, 44 ans, un migrant tunisien sans-papier, s'est vu infliger une interdiction définitive du territoire français à l'issue de sa peine.
Les deux hommes seront inscrits au Fichier des auteurs d'infractions terroristes (Fijait).
Ils ont cinq jours pour se pourvoir en cassation.
Le verdict a provoqué une certaine déception sur le banc des parties civiles, qui espéraient que la cour suivrait les réquisitions du parquet. Ce dernier avait réclamé 20 ans de réclusion, soit le maximum prévu par la loi, contre Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud.
Mais d'autres parties civiles ont accueilli la sentence avec soulagement.
"On espérait peut-être 20 ans de réclusion mais on est satisfait que ça ne soit pas moins de 18. On a eu très peur, surtout après les plaidoiries de la défense, mais on est soulagé", a reconnu Alain Dariste, qui a perdu sa petite-fille dans l'attentat.
Christophe Petiteau, le président de la cour d'assises spéciale, a affirmé que la cour a eu l'intime conviction que "l'attentat a été conçu dans le cadre d'une association de malfaiteurs terroriste, à laquelle Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud ont participé".
Concernant Mohamed Ghraieb, la cour a relevé que "malgré une laïcité revendiquée", l'accusé avait consulté "des textes religieux" et posté notamment "un message approuvant les attentats en janvier 2015".
Mohamed Ghraieb "a participé à la recherche des armes et du camion" utilisés par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le chauffeur-livreur abattu par la police au terme de sa course meurtrière au volant d'un camion de 19 tonnes, a tranché la cour.
- "Laissez-moi une chance" -
M. Petiteau a affirmé que Chokri Chafroud avait quant à lui envoyé des "messages de décapitation" et suggéré dans d'autres échanges que des "véhicules foncent sur des personnes".
"Il a lui-même convenu qu'il avait pu influencer Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ce que la suite des faits a malheureusement confirmé", a pointé le magistrat.
"Laissez-moi une chance", avait demandé Mohamed Ghraieb jeudi matin avant que la cour ne se retire pour délibérer.
"Je ne suis pas un terroriste. Je n'ai rien à voir avec cet attentat. Je ne suis pas dangereux. Je suis contre toute forme de violence", avait-il imploré.
Son co-accusé, dont les capacités intellectuelles sont très affaiblies, selon des experts, n'avait pas souhaité s'exprimer.
Estimant que le dossier ne reposait que sur des "fantasmes" et des "hypothèses", les avocats des deux accusés ont plaidé mardi et mercredi leur acquittement.
"Si la justice est aveugle, la justice antiterroriste est aveuglée par des considérations politiques, la pression médiatique, l'opinion publique et la souffrance des victimes", avait affirmé, sans illusion sur l'issue du procès, Me Chloé Arnoux, l'une des avocates de Chokri Chafroud.
Lors du procès, les deux accusés ont répété qu'ils n'avaient pas cherché d'arme pour Mohamed Lahouaiej-Bouhlel - mais M. Chafroud a livré plusieurs versions sur le sujet - et qu'ils n'avaient pas été associés à la location du camion.
Quelques jours avant l'attentat, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait invité séparément les deux hommes à monter avec lui dans son camion. Mais il ne s'agissait pas de faire des repérages en vue de l'attentat, a reconnu l'accusation.
L'attentat de Nice a été revendiqué par l'organisation Etat islamique mais aucun lien n'a pu être mis en évidence entre le mouvement jihadiste et Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, avaient conclu les enquêteurs.
(K.Lüdke--BBZ)