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Le patron de Boeing, Dave Calhoun, est convoqué mardi devant une commission d'enquête du Sénat américain consacrée à la qualité de la production, une audition très attendue par les familles de victimes des crashes de 2018 et 2019 qui réclament un procès pénal.
C'est la première fois que M. Calhoun va être interrogé publiquement par des responsables depuis l'incident du 5 janvier, lorsqu'un 737 MAX 9 livré en octobre à la compagnie Alaska Airlines a perdu en vol une porte-bouchon - opercule condamnant une issue de secours redondante.
Selon le rapport préliminaire de l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB), plusieurs boulons d'attache n'avaient pas été remis en place après une intervention sur la chaîne d'assemblage.
M. Calhoun a prévu de présenter ses "excuses personnelles" aux familles des victimes des crashes de 2018 et 2019, d'exprimer au nom du groupe des regrets auprès du personnel et des passagers d'Alaska Airlines, et d'assumer de nouveau la responsabilité de la situation, selon sa déclaration transmise lundi à l'AFP.
"Notre culture est loin d'être parfaite, mais nous prenons des mesures et nous progressons", a-t-il prévu de dire aux sénateurs, avec Howard McKenzie, ingénieur en chef de Boeing.
Car le groupe cumule, depuis de longs mois, des problèmes de production et de qualité sur ses avions commerciaux (737 MAX, 787 Dreamliner et 777).
"J'ai hâte d'entendre le témoignage de M. Calhoun, qui est une étape nécessaire pour aborder correctement les défaillances de Boeing, retrouver la confiance du public et rétablir la position centrale du groupe dans l'économie américaine et la défense nationale", a relevé le sénateur démocrate Richard Blumenthal, président de la commission d'enquête, début juin, en annonçant l'audition.
Quelques semaines plus tôt, dans un courrier cosigné avec son collègue républicain Ron Johnson, il avait évoqué des "défaillances de production alarmantes et dangereuses".
Plusieurs audits et enquêtes, dont l'une menée par le régulateur américain de l'aviation civile (FAA), ont identifié de nombreux problèmes de "non-conformité" et des lacunes, en particulier dans le contrôle qualité.
- Sous surveillance -
Cette commission d'enquête a déjà entendu, mi-avril, quatre lanceurs d'alerte, en particulier Sam Salehpour, ingénieur qualité chez Boeing depuis 17 ans. Il avait confié avoir "de sérieuses inquiétudes concernant la sécurité du 787" et du 777.
En attendant que les avions sortant des usines de Boeing renouent avec la qualité nécessaire, la FAA a plafonné la cadence de fabrication du 737 MAX, son avion vedette.
M. Calhoun va sans doute être interrogé par les sénateurs sur le "plan d'action complet" exigé fin février par la FAA pour remédier à ces problèmes. Il a été remis fin mai.
L'enjeu est d'importance pour l'avionneur car les nuages s'amoncèlent: il pourrait en effet être rattrapé par les conséquences du crash des deux 737 MAX 8 en 2018 et en 2019, qui ont fait 346 morts.
Selon le ministère de la Justice, Boeing n'a "pas respecté ses obligations" dans le cadre d'un accord dit de poursuite différée (DPA), lié à ces accidents, conclu le 7 janvier 2021 avec une mise sous surveillance pendant trois ans.
Accusé de fraude dans le processus de certification du 737 MAX, Boeing avait accepté de payer 2,5 milliards de dollars et s'était engagé, entre autres, à renforcer son programme de conformité.
- Menace de poursuites pénales -
Menacé de poursuites pénales devant un tribunal fédéral du Texas, le groupe a officiellement contesté, la semaine dernière, les conclusions du ministère. Ce dernier doit communiquer sa décision de poursuivre ou non d'ici au 7 juillet.
Plusieurs proches de victimes ont prévu d'assister mardi à l'audition.
Zipporah Kuria, qui a perdu son père dans l'accident du 10 mars 2019 en Ethiopie, est venue d'Angleterre "pour entendre en personne ce que le patron de Boeing a à dire au Sénat et au monde entier au sujet des améliorations en matière de sécurité".
Mais aussi, explique-t-elle dans un communiqué des avocats des familles, pour "presser le gouvernement américain d'engager la responsabilité pénale de Boeing et de ses dirigeants pour la mort de 346 personnes".
Dave Calhoun a été nommé début 2020 directeur général de Boeing, dont il était administrateur depuis 2009, pour redresser la situation après ces deux catastrophes.
Mais les défaillances du groupe depuis plus d'un an l'ont poussé vers la sortie. Son départ à la retraite d'ici la fin de l'année a été annoncé fin mars, en même temps que le remplacement immédiat du président du conseil d'administration et du responsable de la branche aviation commerciale.
(A.Lehmann--BBZ)