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Le président kényan William Ruto a annoncé mercredi le retrait du projet de budget 2024-25 prévoyant des hausses d'impôts, à l'origine d'une puissante contestation dans le pays qui a sombré mardi dans une violence meurtrière.
Le chef de l'Etat a appelé à une concertation nationale avec la jeunesse, dans un discours au lendemain d'une troisième journée de mobilisation en huit jours contre ce texte, qui a fait 22 morts selon l'organe officiel de protection des droits humains (KNHRC).
"Le peuple a parlé (...) Après avoir écouté attentivement le peuple kényan, qui a dit haut et fort qu'il ne voulait rien avoir à faire avec ce projet de loi de finances 2024, je m'incline et je ne promulguerai pas le projet de loi de finances 2024, qui sera par conséquent retiré", a déclaré William Ruto.
"Une opération de com", a immédiatement réagi sur X une des figures de la contestation, Hanifa Adan.
"Le projet de loi est retiré mais allez-vous rendre la vie à tous ceux qui sont morts??", a également écrit cette journaliste et militante, qui avait plus tôt dans la journée appelé à une marche blanche "pacifique" à la mémoire des victimes jeudi.
"N'oubliez pas. Ne pardonnez pas", a-t-elle ajouté.
Le droit de manifester "doit être respecté" par les autorités kényanes, a réagi mercredi un porte-parole de la Maison Blanche.
A Nairobi, l'annonce du vote du texte mardi par le Parlement, où le parti présidentiel Kenya Kwanza est majoritaire, avait déclenché la colère des manifestants réunis non loin.
La foule a pris d'assaut le complexe abritant l'Assemblée nationale et le Sénat, saccageant et incendiant certains bâtiments, dans une attaque inédite dans l'histoire du pays indépendant depuis 1963. Selon plusieurs ONG, la police a tiré à balles réelles sur la foule.
Nairobi et plusieurs villes ont également été le théâtre de pillages. Des bâtiments ont été incendiés à Eldoret, dans la vallée du Rift, fief du président William Ruto.
- "Conversation" -
Les scènes de chaos avaient alarmé mardi les Etats-Unis et plus d'une dizaine de pays européens, ainsi que l'ONU et l'Union africaine, qui se sont déclarés "fortement préoccupés" et avaient appelé au calme.
La coalition d'opposition Azimio avait appelé mercredi le président à ne pas promulguer le texte, au lendemain d'"un jour qui restera marqué d'infamie", reprenant dans un communiqué la formule du président Roosevelt après Pearl Harbour.
"Puisque nous nous sommes débarrassés du projet de loi de finances 2024, il est nécessaire d'avoir une conversation en tant que nation à l'avenir. (...) Comment gérer ensemble notre situation d'endettement ? (…) Je proposerai un engagement avec les jeunes de notre nation, nos fils et nos filles", a annoncé M. Ruto.
Pour le gouvernement, ces mesures fiscales étaient nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté (la dette publique représente environ 70% du PIB), et financer son ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings (29 milliards d'euros) de dépenses, un record.
Mais il a été pris de court par l'ampleur prise par cette contestation baptisée "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement"), née sur les réseaux sociaux après la présentation du budget au Parlement le 13 juin et qui a trouvé un puissant écho au sein de la "Génération Z" (jeunes nés après 1997).
- Passe-passe-
Le gouvernement avait annoncé le 18 juin, après une première manifestation à Nairobi, qu'il abandonnait la plupart des mesures fiscales envisagées, dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules à moteur.
Les manifestants avaient dénoncé un tour de passe-passe consistant à compenser le retrait de ces mesures par d'autres, notamment une hausse de 50% des taxes sur les carburants.
Les mobilisations, qui ont pris un ton antigouvernemental aux cris de "Ruto must go" ("Ruto doit partir"), se sont propagées dans le pays.
Le projet de budget a catalysé le mécontentement latent contre le président Ruto, élu en août 2022 en promettant de défendre les plus modestes mais qui a ensuite accru la pression fiscale sur la population.
L'an dernier, le gouvernement avait déjà augmenté notamment l'impôt sur le revenu et les cotisations de santé et doublé la TVA sur l’essence.
Pour le gouvernement s'ouvre désormais un casse-tête pour trouver des sources alternatives de revenus.
(G.Gruner--BBZ)