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La Cour suprême américaine à majorité conservatrice a encore retardé lundi le procès fédéral de Donald Trump, par une décision sur les limites de l'immunité pénale d'un président qui rend virtuellement impossible la tenue de ce procès avant l'élection dans quatre mois.
En décidant le 28 février de se saisir de cette question, puis en fixant les débats près de trois mois plus tard, la plus haute juridiction des Etats-Unis avait déjà considérablement différé le procès fédéral de l'ex-président républicain pour tentative d'inverser illégalement les résultats de l'élection de 2020 remportée par Joe Biden.
Par la voix des six juges conservateurs contre celle des trois progressistes, la Cour considère que "le président ne jouit d'aucune immunité pour ses actes non officiels" mais qu'il "a droit au moins à une présomption d'immunité pour ses actes officiels".
Elle renvoie donc le dossier au tribunal de première instance pour déterminer quels actes sont potentiellement immunisés de poursuites pénales, à charge pour l'accusation de démontrer qu'ils ne le sont pas lorsqu'ils ont été accomplis dans l'exercice de ses fonctions.
Cette décision est "une grande victoire pour notre démocratie et notre Constitution", a immédiatement salué Donald Trump.
Le candidat républicain "pense être au-dessus des lois", a réagi l'équipe de campagne de Joe Biden, estimant que la décision "ne change rien aux faits (...): Donald Trump a craqué après avoir perdu l'élection de 2020 et a encouragé une foule à inverser les résultats d'une élection", selon les propos d'un conseiller de la campagne électorale.
La juge Sonia Sotomayor, dans son avis de désaccord auquel se joignent ses deux collègues progressistes, reproche à la majorité de la Cour, dans son "obsession" qu'un président puisse agir sans crainte, "d'ignorer l'équivalente nécessité de la retenue".
Au-delà du cas de Donald Trump, cette décision a "irrévocablement modifié la relation entre le président et le peuple qu'il sert", écrit-elle, en le transformant en "roi au-dessus des lois dans chaque usage de son pouvoir officiel".
- "Mode d'emploi" -
Selon Steven Schwinn, professeur de droit constitutionnel à l'Université de l'Illinois à Chicago (nord), "dans la mesure où Donald Trump essayait de faire traîner le dossier jusqu'à après l'élection, il a totalement réussi".
"La décision de la Cour fournit un mode d'emploi évident pour un président qui voudrait s'immuniser contre des poursuites pour des actions potentiellement répréhensibles pénalement, simplement en les imbriquant avec des actions officielles", souligne-t-il.
L'ensemble de la procédure en vue de ce procès, initialement prévu à partir du 4 mars, et reporté sine die, était déjà suspendue depuis quatre mois.
Lors des débats, si les juges s'étaient montrés généralement sceptiques face à l'immunité absolue revendiquée par le candidat républicain, plusieurs, en particulier parmi les conservateurs, avaient insisté sur les répercussions à long terme de leur décision.
"Nous rédigeons une règle pour la postérité", avait ainsi observé Neil Gorsuch, en référence au caractère inédit de la question.
"Cette affaire a d'énormes implications pour l'avenir de la présidence et du pays", avait renchéri son collègue Brett Kavanaugh.
Visé par quatre procédures pénales distinctes, Donald Trump fait feu de tout bois pour passer en jugement le plus tard possible, en tout cas après le scrutin présidentiel.
Il a été reconnu coupable le 30 mai par la justice de New York de "falsification comptable aggravée pour dissimuler un complot visant à pervertir l'élection de 2016". Sa peine sera prononcée le 11 juillet.
Mais cette première condamnation pénale, inédite pour un ancien président américain, dans la moins lourde politiquement des quatre procédures, risque désormais d'être aussi la seule avant le vote.
Car à force de recours, les avocats de Donald Trump sont parvenus à repousser jusqu'à nouvel ordre les autres procès, au niveau fédéral pour rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche et devant la justice de l'Etat clé de Géorgie (sud-est) pour ingérence électorale en 2020.
S'il était de nouveau élu, Donald Trump pourrait, une fois investi en janvier 2025, ordonner l'arrêt des poursuites fédérales à son encontre.
(P.Werner--BBZ)