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Absent pendant deux jours pour raisons médicales, Dominique Pelicot, principal accusé au procès des viols de Mazan, sera bien de retour mercredi et la suspension des audiences, un temps envisagée par le président de la cour criminelle de Vaucluse, n'est plus d'actualité.
"Nous avons un certificat médical établi ce jour" spécifiant qu'il n'y a pas "de contre-indication aux gestes de la vie courante et aux transferts" du septuagénaire entre le centre pénitentiaire où il est détenu et le palais de justice d'Avignon, a déclaré en fin d'après-midi mardi le président de la cour Roger Arata.
Face aux soucis médicaux de M. Pelicot, qui souffrae de douleurs intestinales, le président de la cour avait ordonné une expertise médico-légale mardi matin, envisageant même de suspendre ce procès entamé le 2 septembre et prévu pour durer quatre mois, "le temps que son état s'améliore".
"Ça n'aurait aucun sens de continuer hors sa présence, un procès criminel ne se tient pas hors la présence d'un accusé", avait confirmé Me Béatrice Zavarro, l'avocate de M. Pelicot.
Lundi matin, Dominique Pelicot, 71 ans, était apparu très diminué en pénétrant dans son box, aidé de sa canne et s'appuyant contre la vitre.
Et il n'avait pas fait son retour mardi matin, poussant son avocate à préciser que ce n'était pas une manoeuvre de sa part: "Qu'on soit très clair, M. Pelicot ne s'est pas dérobé. M. Pelicot ne se dérobera pas. M. Pelicot sera là, il répondra à toutes les questions".
- "Basse besogne" -
Accusé d'avoir drogué, violé et fait violer son épouse par des dizaines d'hommes recrutés sur internet, de juillet 2011 à octobre 2020, principalement au domicile du couple à Mazan (Vaucluse), Dominique Pelicot n'a donc pas entendu mardi matin la déposition de Stéphan Gal, le second directeur d'enquête de ce dossier tentaculaire pour lequel il est jugé aux côtés de 50 autres hommes, âgés de 26 à 74 ans.
Une déposition lors de laquelle celui-ci a confirmé les dires de son collègue, le commissaire divisionnaire Jérémie Bosse Platière, auditionné la semaine dernière: à la vue des milliers de photos et vidéos des faits, méticuleusement enregistrées et classifiées par son désormais ex-mari, aucun des agresseurs "ne pouvait ignorer que Gisèle Pelicot était inconsciente".
"Certains sont revenus à plusieurs reprises d'ailleurs, et tous ne pouvaient pas ne pas être conscients qu'elle était dans un état d'inconscience profond, pour venir effectuer leur basse besogne", a-t-il estimé.
Evoquant le cas de Mathieu D., alias "Gaston", 62 ans, le policier a ainsi expliqué que cet homme "savait que Dominique Pelicot allait endormir sa femme": "Mais il pensait que ça faisait partie d'un +jeu sexuel+. Il dit que cela lui avait été présenté +comme un scénario et qu'il avait foncé, naïvement, tête baissée+".
C'est là toute la question principale de ce procès, où 35 des 51 accusés reconnaissent les actes sexuels mais contestent l'intention de violer, prétendant avoir été "manipulés" par M. Pelicot.
Interrogé mardi, un expert en informatique, qui a disséqué plusieurs milliers de photos et vidéos des faits, a en tous cas souligné que dans les discussions entre le mari et ses coaccusés, sur Skype, "le mot viol apparaissait de manière récurrente".
- "Voir la tête des accusés" -
Si Dominique Pelicot sera donc de retour mercredi, le président de la cour n'a pas précisé quand celui-ci, qui devait initialement être interrogé ce mardi à 16H00, pourrait finalement s'exprimer. "On ne change rien au programme, on interrogera M. Pelicot dans les intervalles", a-t-il seulement annoncé.
Or, sur le calendrier prévisionnel, qui date d'une semaine, quatre experts ou enquêteurs de personnalité et six témoins devaient déjà venir à la barre mercredi pour aborder les cas de quatre premiers coaccusés, Jean-Pierre M., 63 ans, Cyrille D., 54 ans, Jacques C., 72 ans, et Lionel R., 44 ans.
Mardi M. Arata avait aussi laissé la porte ouverte à une nouvelle prise de parole de Gisèle Pelicot, la principale victime.
Une certitude: ce procès suscite toujours un intérêt énorme, comme en témoigne le nombre croissant de journalistes du monde entier présents à Avignon, mais aussi le public qui se masse désormais quotidiennement pour assister aux retransmissions des audiences dans une salle annexe.
Mardi, ce public, hommes, femmes de tous âges, est souvent resté silencieux, certains écarquillant les yeux ou se plaçant une main devant la bouche quand l'enquêteur décrivait sans éluder les détails les plus crus les faits qui se sont déroulés dans la chambre du couple Pelicot.
"Je suis venu pour voir la tête des accusés: est-ce qu'ils ressemblent à tout le monde? A mon père? A mon frère? Ce n’est pas commun, comme affaire. Peuchère, cette dame", confiait Moussa, ancien ouvrier dans la sidérurgie, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille.
(L.Kaufmann--BBZ)