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La ville de Grenoble s'apprête à modifier lundi la règlementation des piscines pour notamment autoriser le burkini, une décision qui ne passe pas auprès d'une grande partie de la classe politique et du ministère de l'Intérieur, qui souhaite la faire bloquer au nom de la loi sur le séparatisme.
Ce thème explosif, qui défraye la chronique depuis déjà plusieurs semaines, figure sobrement sous l'intitulé "Conditions et tarifs d'accès aux piscines municipales" dans l'ordre du jour du conseil municipal prévu à partir de 15H00.
La réunion, qui sera fermée au public mais retransmise en direct, s'annonce électrique, avec des manifestations à Grenoble et une polémique attisée par les prises de position politiques.
Le maire écologique Eric Piolle n'a de cesse de répéter que le burkini est un "non-sujet" et que la modification du règlement intérieur des piscines municipales ne vise qu'à "lever les interdits vestimentaires aberrants" et à aller à l'encontre "des injonctions sur le corps des femmes".
Il a reçu le soutien d'une centaine de personnalités dont des féministes comme Caroline De Haas ou Alice Coffin qui estiment dans une récente tribune que "personne ne doit être stigmatisé jusque dans les bassins en raison de son choix de maillot".
Mais pour ses opposants, le burkini constitue un symbole flagrant d'oppression de la femme et s'apparente au voile intégral que les talibans viennent de réimposer à la gent féminine en Afghanistan.
En quelques semaines, et alors qu'approchent les élections législatives, le débat sur le burkini a viré à la tempête politique, les deux camps s'affrontant à coups de tribunes, pétitions et prises de position musclées.
M. Piolle "ne se rend pas compte du mal qu'il est en train de faire à nos valeurs républicaines", estime Prisca Thévenot, une des porte-parole du parti de la majorité présidentielle LREM.
"Barrage national contre ceux qui, comme lui, par électoralisme, rampent devant l'islam politique et ses revendications !", fustige quant à lui le président du Rassemblement national Jordan Bardella.
La large coalition de gauche que dirige le maire apparaît elle-même divisée, ce qui pourrait laisser augurer un vote plus serré que prévu parmi les 59 élus: aux voix des 14 conseillers d'opposition s'ajouteraient 13 votes d'élus de la majorité opposés à la mesure, qu'ils jugent porteuse de "risques d’aggravation de la fragmentation sociale", selon le quotidien régional le Dauphiné Libéré.
- "Visées religieuses" -
Le préfet de l’Isère a fait savoir dimanche soir qu'il saisirait le tribunal administratif de Grenoble, sur instruction du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en cas d'adoption de la mesure.
L'"objectif manifeste est de céder à des revendications communautaristes à visées religieuses" et la modification envisagée "paraît contrevenir au principe de laïcité posé par la loi de 1905 ainsi qu’aux dispositions de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République", selon un communiqué.
Le préfet précise qu'il entend faire appel à une disposition introduite par la loi sur le séparatisme votée en août 2021, qui concerne les actes portant "gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public".
Réagissant à cette annonce lundi matin sur franceinfo, M. Piolle s'est déclaré "ravi que le gouvernement nous attaque".
"J'ai hâte que le gouvernement nous explique en quoi dans une piscine, on devrait masquer tous nos signes religieux", a-t-il lancé, relevant qu'il n'avait "pas attaqué Rennes" lorsque cette ville avait pris une disposition similaire il y a quatre ans.
Avant de saisir son conseil municipal, le maire de Grenoble avait saisi le ministère des Sports en juin 2019 "afin que le gouvernement lève toute forme d'ambiguïté sur le statut du maillot de bain couvrant, relativement à l'hygiène et à la sécurité". Alors que le débat faisait rage, il avait appelé le président Emmanuel Macron à "siffler la fin de la récréation et à clarifier cette hypocrisie d'Etat" sur la question.
En décembre 2018, saisi sur le refus d'accès d'un aquaparc de la Somme à une femme musulmane en burkini, le Défenseur des droits Jacques Toubon avait conclu à "une discrimination prohibée notamment par la loi du 27 mai 2008" sur la lutte contre les discriminations. Mais cela n'avait pas empêché le centre de maintenir l'interdiction.
(Y.Yildiz--BBZ)