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Les deux premiers accusés entendus mardi par la cour d'assises spéciale de Paris, au procès des huit personnes impliquées à des degrés divers dans l'assassinat du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, ont contesté les faits qui leur sont reprochés.
"Je conteste les faits qui me sont reprochés", a affirmé Azim Epsirkhanov, 23 ans, jeune Russe d'origine tchétchène.
"Je les conteste depuis quatre ans", a lui aussi dit Naïm Boudaoud, 22 ans.
Les deux jeunes gens, amis du tueur Abdoullakh Anzorov, sont les deux seuls accusés poursuivis pour complicité d'assassinat, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
Les six autres accusés dont trois, sous contrôle judiciaire, comparaissent libres, sont poursuivis pour participation à une association de malfaiteurs terroriste, un crime passible de 30 ans de réclusion.
Cette première journée d'audition des accusés devait être consacrée à l'examen de personnalité de six des huit accusés mais le planning prévu a été largement bouleversé.
L'audience de l'après-midi n'a pu commencer à l'heure prévue car l'un des accusés, le Turc Yusuf Cinar, 22 ans, poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs terroriste, s'est blessé à la tête en retournant dans sa cellule du palais de justice.
"Il s'est ouvert le crâne, raisonnablement, au dépôt car il y a des endroits où le plafond est bas, il y a des travaux", a confié à l'AFP son avocate Lucile Collot.
L'audience a pu reprendre en milieu d'après-midi mais l'audition prévue de plusieurs autres accusés a été repoussée à une date ultérieure.
Ces premières auditions ne portaient pas sur les faits, qui seront examinés seulement à partir du 20 novembre, mais seulement sur la personnalité des accusés.
Habillé avec élégance, gilet crème et chemise blanche, fin collier de barbe, Azim Epsirkhanov qui est arrivé en France avec sa famille à l'âge de 10 ans s'exprime dans un français parfait.
"La France est mon deuxième pays", dit-il après avoir rendu hommage à ses professeurs qui lui ont apporté "un grand soutien" durant sa scolarité.
"Mes parents m'ont appris à aimer ce pays", poursuit-il. La France est "le pays qui m'a accueilli, logé, nourri". "C'est un pays-mère pour moi", insiste le jeune Russe qui aurait aimé faire carrière dans la police ou l'armée françaises.
- "Donnant-donnant" -
L'enquêtrice de personnalité raconte à la barre le départ précipité de Tchétchénie de sa famille après l'enlèvement de son père par des inconnus.
Le père sera libéré mais refusera toujours de s'exprimer sur cette affaire. "Aujourd'hui, il y a un certain tabou dans ma famille" pour évoquer ce sujet, indique le jeune homme.
La famille s'installe à Evreux en Normandie. C'est là, au collège, qu'il rencontre pour la première fois Abdoullakh Anzorov, Tchétchène comme lui.
A propos d'Anzorov, Azim Epsirkhanov reconnaît qu'il a vu son ami changer d'attitude environ un an avant l'attentat. "Mais jamais j'ai pensé qu'il se radicalisait", assure-t-il.
Selon l'accusation, Azim Epsirkhanov a accompagné Anzorov dans une coutellerie de Rouen la veille de l'attentat. "Il m'a dit que (le couteau) était un cadeau pour son grand-père", explique le jeune homme.
La virée à Rouen a été effectuée avec Naïm Boudaoud, natif d'Evreux, et ami d'Azim Epsirkhanov.
En pull jacquard blanc, Naïm Boudaoud, à l'allure frêle, fait plus jeune que son âge malgré son léger collier de barbe.
Entre Epsirkhanov, costaud de 1,84 m, et Boudaoud, il s'agissait d'une relation de grand à petit frère. L'un protégeant l'autre et Boudaoud, issu d'un milieu plutôt favorisé, rendant des services à son ami.
"C'était du donnant-donnant: Epsirkhanov le protégeait et lui l'aidait dans sa précarité", explique une enquêtrice de personnalité.
C'est dans une salle de sport que Boudaoud a rencontré Anzorov. Il était le seul des trois à avoir le permis de conduire (obtenu en septembre 2020, un mois avant l'attentat) et c'est dans sa voiture que le trio est allé à Rouen pour acheter un couteau.
Même s'il affirme, comme Azim Epsirkhanov, avoir tout ignoré du projet mortifère d'Anzorov, Naïm Boudaoud confirme avoir noté un changement chez lui. "Il ne fallait pas parler des filles, pas de relation sexuelle, pas d'alcool, pas de soirée", se rappelle-t-il. "J'ai pris ça à la rigolade", dit-il.
Le procès est prévu jusqu'au 20 décembre.
(U.Gruber--BBZ)