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Cela fait trois jours qu'Ofelia patiente devant une prison de San Salvador, où son mari est emprisonné, pris dans les filets de la "guerre" du président Nayib Bukele contre les gangs criminels. Elle soutient qu'il est un travailleur honnête et attend sa libération.
Depuis près de deux mois, le jeune président salvadorien de 40 ans mène une offensive sans précédent contre les "maras", qui à coup de meurtres, rackets et violences, sèment la terreur dans ce petit pays d'Amérique centrale de 6,5 millions d'habitants.
L'initiative du gouvernement contre les gangs, dont les membres se reconnaissent par leurs tatouages, a débuté après une flambée d'homicides qui a fait 87 morts en deux jours fin mars, des homicides pour lesquels les autorités ont mis en cause ces groupes criminels.
En plus de cinquante jours, plus de 31.000 personnes, présumées membres de ces gangs, ont été arrêtées par les forces de l'ordre et emprisonnées. Ces opérations ont été facilitées par un régime d'exception voté début avril par le Parlement, qui autorise notamment des arrestations et incarcérations sans décision de justice.
Le 3 mai, Pedro Segovia, un maçon de 55 ans a été arrêté par la police dans sa ville de San Miguel, à 139 km à l'est de la capitale, soupçonné d'être membre d'un de ces gangs. Transféré à San Salvador, il a été incarcéré à la prison de "La Esperanza".
Ofelia Hernandez, 25 ans, croit en l'innocence de son mari et s'est rendue à la capitale avec ses deux enfants. Comme elle, de nombreux proches de personnes emprisonnées se rassemblent quotidiennement devant la prison. Beaucoup dorment même sur place dans un campement improvisé.
"On vient vérifier s'ils vont le relâcher ou ce qui va se passer car j'ai besoin de lui à la maison (...) il est le seul qui peut m'aider" économiquement, explique la jeune femme à l'AFP qui n'a qu'un emploi informel.
- "Défis" -
Pour prouver la réalité des arrestations, le chef de l'Etat, qui jouit d'une importante cote de popularité, publie régulièrement sur Twitter des images des personnes interpellées, la plupart avec les tatouages qui signent leur appartenance aux "maras".
Ernestina, 67 ans, a les yeux qui se remplissent de larmes lorsqu'elle évoque son fils arrêté par la police fin avril. Par peur des représailles, elle ne veut donner ni son nom ni celui de son fils.
"Ils sont venus le chercher à la maison sans aucune explication. J'ai supplié les policiers qu'ils ne lui fassent pas de mal, mais ils l'ont emmené quand même", raconte-t-elle à l'AFP. "J'ai l'espoir et la foi qu'ils le relâchent, il ne fait pas partie des ces groupes" criminels.
Depuis le début de cette "guerre", des organisations de défense des droits humains ont dénoncé l'arrestation indiscriminée de très nombreux jeunes, dont des mineurs, sans lien avec les gangs qui compte environ 70.000 membres dans tout le pays.
Amnesty International a dénoncé "des réformes juridiques qui violent les normes internationales, des arrestations arbitraires massives et des mauvais traitements infligés aux détenus", tandis que Washington a appelé le président Bukele à respecter les droits humains.
"Je reconnais les défis que doit relever le Salvador face aux gangs. Cela part d'une bonne intention, mais cela doit être fait de façon à ce que les droits humains soient respectés", a déclaré mercredi la Haut-commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.
"Pour moi le président a commis une injustice (...) en envoyant en prison des jeunes qui n'ont rien à voir avec ces gars" des gangs, estime Elizabeth Hernandez, 54 ans, qui espère que son fils va être rapidement libéré.
Parmi les soldats qui surveillent la prison, un d'entre eux raconte à l'AFP qu'il a failli être tué en 2021 par des membres d'une "mara", mais qu'il a pu en réchapper en abattant l'un des malfaiteurs.
"Ceux qui sont membres de gangs devraient pourrir en prison", dit-il, en montrant la cicatrice d'une coupure à la gorge qu'il impute à ses attaquants.
(L.Kaufmann--BBZ)