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Les nouvelles autorités en Syrie ont arrêté jeudi un haut responsable du pouvoir déchu de Bachar al-Assad à Tartous, lors d'une opération marquée par des accrochages meurtriers, a indiqué l'observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Le général Mohammed Kanjo Hassan, chef de la justice militaire sous Bachar al-Assad et "responsable de nombreuses condamnations à mort" dans la tristement célèbre prison de Saydnaya près de Damas, a été arrêté dans la localité de Khirbet al-Ma'zah avec 20 membres de sa garde rapprochée, a précisé l'OSDH.
L'opération pour l'arrêter a été lancée mercredi par les forces de sécurité à Tartous, dans l'ouest du pays, bastion de la minorité alaouite dont est issu M. Assad, renversé le 8 décembre par une coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical sunnite Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
Mohammed Kanjo Hassan a acté la condamnation à mort de "milliers de personnes lors de procès expéditifs", a indiqué à l'AFP Diab Seria, cofondateur de l'Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya.
Son association a estimé à quelque 150 millions de dollars sa fortune réalisée aux dépens de familles de détenus qui payaient pour avoir des informations sur leurs proches, jamais données.
L'arrestation de "l'un des criminels du régime d'Assad", "représente une étape importante vers l'obtention de la justice et la poursuite des criminels", s'est réjoui sur X la Coalition syrienne de l'opposition, qui regroupe les principales formations politiques en exil.
Son arrestation a été marquée par des accrochages après que des hommes armés ont tenté d'empêcher les forces de sécurité de le capturer. Quatorze membres des forces de sécurité et sept hommes armés ont péri en 24 heures, selon l'OSDH.
L'opération à Tartous a permis de "neutraliser un certain nombre" de "miliciens" fidèles au président déchu, a indiqué l'agence officielle Sana. L'objectif est d'y "rétablir la sécurité".
- "Les gens ont peur" -
Des témoins et l'OSDH ont fait état de plusieurs arrestations à Tartous et Jableh (ouest), en lien avec les accrochages à Tartous et les manifestations de Syriens alaouites la veille.
Mercredi, des milliers d'alaouites ont manifesté à Tartous, Banias, Jableh, et Lattaquié (ouest) ainsi qu'à Homs (centre), après la diffusion d'une vidéo sur les réseaux sociaux montrant des combattants attaquer un de leurs sanctuaires à Alep (nord), selon l'OSDH. Cinq employés du sanctuaire ont été tués.
Ces manifestations d'alaouites sont les premières depuis le renversement de M. Assad qui a fui avec sa famille à Moscou dans la foulée de l'offensive des rebelles qui ont pris en 11 jours le contrôle de la grande partie du pays.
Les autorités ont affirmé que la vidéo datait de la prise d'Alep par les rebelles le 1er décembre, et le ministère de l'Information a averti jeudi qu'il était "strictement interdit de diffuser ou de publier toute information visant à semer la division".
Lors d'opérations des forces de sécurité ailleurs en Syrie, un homme armé pro-Assad a été abattu près de Damas, et un autre a été tué à Homs, a dit l'Observatoire.
Mais à Homs, un témoin a fait état d'"un vaste déploiement d'hommes de HTS dans des quartiers où des habitants ont manifesté la veille". "Les voitures sont fouillées, les gens ont peur."
- "Neutraliser" les pro-Assad -
A Lattaquié, des combattants armés, la plupart cagoulés, ont tiré en l'air au milieu d'une circulation dense et de bâtiments résidentiels, selon un correspondant de l'AFP sur place. L'un d'eux appelle à "neutraliser" les pro-Assad.
Dans la capitale Damas, les routes menant au quartier majoritairement alaouite de Mazeh 86 sont bloquées, a constaté une correspondante de l'AFP. "Interdiction d'entrer", a lancé à un checkpoint un combattant de HTS.
Des membres de la minorité alaouite, une branche de l'islam chiite, se sont réjouis de la chute de Bachar al-Assad mais ont dit craindre la marginalisation ou des représailles.
Les nouvelles autorités s'efforcent de rassurer la communauté internationale et les Syriens, s'engageant à respecter les droits des minorités d'un pays traumatisé par 13 ans d'une guerre dévastatrice, déclenchée en 2011 par la répression brutale de manifestations prodémocratie, et qui a fait plus de 500.000 morts.
L'analyste Sam Heller de la Century Foundation fait état à l'AFP d'un "certain degré d'anxiété" au sein des minorités. Les "informations sur des attaques (...) accentuent leur sentiment de vulnérabilité".
(A.Berg--BBZ)