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"Devoir" pour l'Eglise catholique, avancée trop timide pour les victimes: la conférence épiscopale italienne (CEI) a annoncé vendredi le lancement d'une étude sur les agressions sexuelles d'enfants et de personnes vulnérables au sein de l'institution ces 20 dernières années, sous la pression des associations qui continuent de réclamer une enquête indépendante.
"C'est notre devoir face à tant de souffrance", a affirmé lors d'une conférence de presse Matteo Zuppi, cardinal de 66 ans présenté comme progressiste et nommé mardi par le pape François à la tête des évêques de la péninsule.
Dans un communiqué final publié au terme de son assemblée générale à Rome, la CEI promet que cette "étude sera menée avec la collaboration d'instituts de recherche indépendants", afin de "parvenir à une connaissance plus approfondie et objective" des agressions présumées ou confirmées commises par des religieux en Italie entre 2000 et 2021.
Elle utilisera les données fournies par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l'institution du Vatican chargée notamment des questions d'agressions sexuelles au sein de l'Eglise catholique. "Cela permettra d'améliorer les mesures de prévention et de lutte, ainsi que d'accompagner avec une meilleure connaissance les victimes et survivants", assure la CEI.
En outre, elle s'engage à multiplier les centres d'écoute dans les diocèses - actuellement déployés sur environ 70% du pays - et à effectuer un premier rapport national sur les cas signalés lors des deux dernières années.
Ces annonces ont déçu les associations de victimes. Francesco Zanardi, agressé par un prêtre lorsqu'il était adolescent et fondateur de la principale association de victimes, "Réseau L'Abus" ("Rete L'Abuso", en italien), a jugé devant la presse "discriminatoire" de n'étudier les cas qu'à partir de 2000, "ce qui exclut de nombreux cas, dont le mien".
- "En retard" -
Les associations, qui ont lancé en février une grande campagne de sensibilisation sur ce sujet, réclament une large enquête indépendante, "menée par des professionnels impartiaux et de haut niveau", dans un pays à majorité catholique où l'Eglise conserve une grande influence.
Le 23 mai, des associations, avocats et journalistes réunis dans le mouvement "ItalyChurchToo" ("L'Eglise d'Italie aussi") avaient publié une lettre ouverte en ce sens, mettant en avant le retard pris par le pays par rapport à certain de ses voisins, comme la France où une commission d'enquête a estimé à 216.000 le nombre d'enfants et d'adolescents victimes de clercs et de religieux depuis 1950.
"L'Italie est le pays le plus en retard. Ce que nous demandons au nouveau président, c'est le courage de mettre en acte des mesures radicales, pas de façade", a affirmé vendredi à l'AFP Ludovica Eugenio, journaliste italienne et membre du réseau ItalyChurchToo.
Selon elle, un rapport sur 20 ans "ne permettra pas de résoudre les problèmes car il ne va pas au fond des choses. C'est un peu comme construire une maison à partir du troisième étage, sans fondations. Sans prévention, sans justice et sans vérité, cela ne mènera à rien."
Dans un entretien vendredi avec l'AFP, Francesco Zanardi a aussi déploré le "problème de l'Etat" italien et "les failles" du système législatif, qui "n'arrive pas à intervenir", estimant que "chacun doit prendre sa part".
Au cours de l'assemblée, le cardinal américain Sean O'Malley, président de la commission pontificale pour la protection des mineurs, a invité les évêques à "s'engager" pour lutter contre ce fléau. "La réalité est que nous serons jugés sur notre réponse à la crise des abus dans l'Église", avait-il souligné.
Fin avril, le souverain pontife avait demandé à cette commission un rapport annuel sur la lutte contre les agressions sexuelles et viols commis par des religieux, appelant à un "nouveau départ" car "il reste encore "beaucoup à faire".
(O.Joost--BBZ)