AEX
6.5800
"La tyrannie va tomber": la cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado a promis de sortir de la clandestinité jeudi pour conduire la première grande manifestation de l'opposition depuis des semaines, avec pour objectif de faire dérailler l'investiture vendredi du président Nicolas Maduro.
En parallèle, le pouvoir a aussi annoncé une marche de soutien au président socialiste, qui doit prêter serment pour un troisième mandat devant l'Assemblée nationale vendredi à midi (16H00 GMT).
Les autorités ont massivement déployé les forces de l'ordre dans le pays, particulièrement dans la capitale Caracas, jurant que l'investiture se passera "dans la paix" et la "normalité".
Elles ont aussi procédé à une vague d'arrestations, dont celle de l'ex-candidat d'opposition Enrique Marquez, accusé de faire partie d'un complot visant à renverser M. Maduro.
Il faut "vaincre la peur", veut convaincre Corina Machado, réfugiée dans la clandestinité depuis que pèse sur elle une menace d'arrestation, mais qui a promis de ne "manquer pour rien au monde ce jour historique".
L'opposition revendique la victoire de son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia à la présidentielle de juillet. Elle assure que les procès-verbaux des bureaux de vote qu'elle a recueillis prouvent que l'ancien diplomate a remporté le scrutin haut la main (plus de 67% des voix) face à "un régime qui se sait battu" et complètement isolé sur le plan international.
- Vague d'arrestations -
Le Conseil national électoral (CNE) avait proclamé le président sortant vainqueur du scrutin avec 52% des voix, mais sans publier les procès-verbaux et le détail des votes, se disant victime d'un piratage informatique. Une hypothèse jugée peu crédible par de nombreux observateurs.
L'annonce du CNE avait provoqué des manifestations spontanées dans tout le pays, durement réprimées. Les troubles postélectoraux se sont soldés par 28 morts, plus de 200 blessés, et 2.400 personnes arrêtées pour "terrorisme".
Les forces de sécurité ont procédé à de nombreuses arrestations ces derniers jours: quelque 150 personnes, selon M. Maduro, dont un présumé responsable du FBI et un militaire américains qui préparaient d'après lui une "agression terroriste".
Enrique Marquez, figure de l'opposition fer de lance de la bataille juridique contre la réélection contestée de Maduro, le respecté Carlos Correa, directeur d'une ONG réputée de défense des droits humains, ou encore le gendre de M. Gonzalez Urrutia figurent aussi parmi les personnes appréhendées.
Le ministre de l'Intérieur Diosdado Cabello a accusé mercredi M. Marquez d'être impliqué, avec l'agent présume du FBI et le gendre de M. Gonzalez Urrutia, dans un projet de "coup d'Etat" contre M. Maduro.
Dans ce contexte, et après les répressions des grandes manifestations de 2014, 2017 et 2019, qui ont fait plus de 200 morts et déclenché l'ouverture d'une enquête de la Cour pénale internationale, de nombreux observateurs s'interrogent sur la capacité de l'opposition à mobiliser ses partisans. Même si les sondages assurent qu'une grande majorité du pays désire le changement.
L'opposition a appelé à de multiples reprises les forces de l'ordre et l'armée, un des piliers du pouvoir, à "baisser les armes" et à respecter la volonté populaire. En vain.
- Une heure de vol -
Exilé en Espagne depuis septembre, M. Gonzalez Urrutia a effectué ces derniers jours une tournée diplomatique qui l'a notamment mené à la Maison Blanche. Il doit se rendre jeudi en République dominicaine, à une heure de vol à peine du Venezuela. Il a manifesté son intention d'atterrir à Caracas vendredi pour prêter serment à la place de M. Maduro, un projet qui semble incertain.
Les autorités vénézuéliennes, qui ont mis à prix pour 100.000 dollars la tête de M. Gonzalez Urrutia, ont promis la prison à tous ceux qui l'accompagneraient, affirmant qu'elles réagiraient comme face à une "force d'invasion".
"Ce qui va se passer le 10 janvier, c'est la prestation de serment de notre unique président constitutionnel, notre camarade président ouvrier Nicolas Maduro. Tout le reste... La révolution est là pour longtemps. Ici les lois se respectent", assure Luis Cortez, commandant du "Colectivo Catedral", interrogé sur de possibles troubles jeudi ou le jour de l'investiture.
Selon Phil Gunson, d'International crisis group (ICG), ces groupes de paramilitaires ou parapoliciers, craints par une partie de la population, sont accusés lors de manifestations de faire le "sale boulot" à la place des forces de l'ordre.
(H.Schneide--BBZ)