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Les députés examinent mercredi en commission la proposition inflammable d'interdiction de la corrida portée par l'insoumis Aymeric Caron qui a peu de chances d'aboutir, mais divise les camps politiques et suscite plusieurs manifestations le week-end prochain.
La corrida est une "exception qui n'a plus lieu d'être", une "torture" des taureaux, juge l'ancien journaliste Aymeric Caron, élu député de Paris en juin.
Si le temps le permet, mercredi matin en commission des Lois et le 24 novembre dans l'hémicycle, "c'est un test démocratique qui va se dérouler. On va voir si les députés sont vraiment libres ou s'ils vont céder aux pressions des lobbies", attaque le militant de la cause animale.
Aymeric Caron veut modifier le Code pénal qui punit déjà la maltraitance animale, mais dont les sanctions prévues à l'article 521-1 "ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée".
Et le député LFI espère ajouter par amendement l'interdiction des combats de coqs encore autorisés dans le Nord ou certains territoires d'Outre-mer.
- "Foie gras et barbecue" -
Sa proposition de loi suscite l'embarras dans les groupes politiques, où la liberté de vote est de mise.
Au nom de la défense d'une "tradition culturelle" dans le Sud-Ouest et le pourtour méditerranéen, le gouvernement compte s'y opposer.
La secrétaire d'Etat en charge de la Ruralité Dominique Faure est annoncée au banc des ministres le 24 novembre, plutôt que le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, passionné de corrida et donc plus clivant.
Mme Faure s'est rendue à la réunion du groupe Renaissance mardi matin pour appeler à ne pas "tomber dans le radicalisme du député" Caron, selon une source parlementaire. "Il ne faut pas opposer émotion et attachement au terroir", a-t-elle plaidé.
Sensible, le sujet divise les macronistes. En juillet 2021, quand elle n'était pas encore présidente des députés Renaissance, Aurore Bergé avait signé une tribune pour interdire la corrida, jugée "barbare".
A l'inverse, l'élu du Gers Jean-René Cazeneuve s'oppose frontalement à l'interdiction de cette pratique présente dans son territoire.
"Ca va disparaître tout seul, il y en a de moins en moins. Ça ne sert à rien de l'interdire et d'humilier des gens pour qui ce sont des traditions", argumente-t-il auprès de l'AFP.
"Après la corrida, ce sera le foie gras, le barbecue, les escargots, les huîtres: où arrêtez-vous la maltraitance animale? On le connaît l'animal Caron. On sait que c'est un premier combat", lâche-t-il.
Division à l'extrême droite également entre le député RN Julien Odoul, prêt à voter l'interdiction, et son collègue Emmanuel Taché de la Pagerie, défenseur de la corrida. Leur patronne Marine Le Pen, qui a fait de la lutte contre la maltraitance animale l'un de ses marqueurs, propose depuis plusieurs années d'interdire la corrida aux mineurs.
- Manifestations -
Du côté de LR, "on est assez nombreux dans le groupe" à "dire notre attachement à cette tradition taurine", relève le chef des députés de droite Olivier Marleix.
Dans ces conditions, le texte a peu de chances d'aboutir, d'autant que son examen complet dans l'hémicycle est encore incertain le 24 novembre.
Après des propositions comme le SMIC à 1.600 euros ou l'inscription de l'IVG dans la Constitution, il figure en effet en quatrième position dans la "niche" LFI, une journée réservée à un groupe minoritaire, avec une clôture des débats à minuit.
"Il faut quand même qu'il y ait du social d'abord dans notre niche !", assume un élu LFI, sceptique sur l'interdiction de la corrida.
"Il ne faut pas prendre à rebrousse-poil les gens qui tiennent à ça (...) là, ça va être un peu binaire", redoute cet insoumis, même s'il votera le texte.
La proposition de loi va susciter des mobilisations ce week-end. Samedi, des élus de tous bords et aficionados vont défendre la corrida dans plusieurs villes taurines.
Des associations de protection des animaux promettent à l'inverse des manifestations contre cette pratique samedi et dimanche, dont "une action à fort impact visuel" à Paris.
Coutumière des vidéos choc, l'association L214 a diffusé dans la nuit des images de "mises à mort laborieuses de taureaux" lors d'une corrida à Brocas (Landes) le 24 septembre dernier, pour soutenir l'interdiction.
adc-parl/reb/sde/lpa
(G.Gruner--BBZ)