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"CODA", comédie adaptée de "La Famille Bélier" qui suit la vie compliquée d'une famille sourde et de leur fille entendante, a reçu dimanche soir la récompense suprême des Oscars, déjouant les pronostics et faisant mordre la poussière à de nombreux poids lourds en compétition.
Cette victoire permet aussi à Apple TV+ de devenir la première plateforme de streaming à l'emporter aux Oscars dans la catégorie phare du meilleur long-métrage.
Cette victoire s'ajoute à l'Oscar du meilleur scénario adapté et du meilleur acteur dans un second rôle pour Troy Kotsur.
Remake du film français "La Famille Bélier" d'Eric Lartigau (2014), le spectateur suit Ruby, une lycéenne, qui jongle entre ses ambitions musicales et la dépendance de sa famille à son égard pour communiquer avec le monde des "entendants".
Le titre est l'acronyme de "Child of deaf adult", qui signifie littéralement "enfant entendant de parents sourds".
"Merci à l'Académie de nous permettre de faire entrer +CODA+ dans l'histoire" a déclaré le producteur français Philippe Rousselet en recevant cette statuette.
"CODA" avait été raflé par Apple TV+ à l'issue d'une âpre bataille de surenchères après le succès du film lors de sa présentation au festival indépendant de Sundance. Il avait atteint le montant record de 25 millions de dollars.
Selon les spécialistes de Hollywood, le film réalisé par Sian Heder s'était contenté d'un budget de seulement dix millions, grâce notamment à l'absence de vedettes et de lieux de tournage coûteux.
Il se concentre sur la jeune Ruby Rossi, une lycéenne presque comme les autres. Incarnée par la révélation Emilia Jones, l'adolescente cherche, comme souvent à cet âge, à rencontrer l'amour mais elle doit composer avec le fait d'être la seule personne entendante au sein de sa famille, qui peine à joindre les deux bouts.
Ses parents et son frère, marins-pêcheurs près de Boston, se reposent sur elle pour faire le lien avec le monde extérieur et résoudre de nombreuses difficultés alors que la jeune fille ne veut rien d'autre que de suivre ses rêves et partir étudier le chant.
- "Equipe si soudée" -
Alors que "La Famille Bélier" alignait des acteurs entendants, ce qui avait suscité certaines critiques, "CODA" a fait le choix de privilégier l'authenticité en employant des artistes sourds. Parmi eux on retrouve Marlee Matlin, Oscar de la meilleure actrice pour "Les Enfants du silence" (1987), qui campe une mère excentrique et vulnérable.
Le père de Ruby est joué avec beaucoup d'humour par Troy Kotsur, lui-même lauréat de l'Oscar du meilleur second rôle masculin, tandis que Daniel Durant, qui interprète le rôle du frère, complète une équipe d'acteurs dont la complicité crève l'écran.
Troy Kotsur a dédié sa récompense "aux personnes sourdes, aux gens de CODA et aux personnes handicapées", applaudi en langue des signes par Hollywood. "C'est notre moment."
Exactement un mois avant les Oscars, "CODA" avait déjà fait sensation en remportant le premier prix des SAG Awards. Cette récompense est décernée par le syndicat des acteurs américains et, à ce titre, est considérée comme un très bon indicateur en vue des Oscars car les acteurs constituent le collège le plus nombreux (environ 10.000) au sein de l'Académie.
"Nous sommes une équipe si soudée, c'était un joli prix à gagner", avait déclaré Emilia Jones à l'AFP peu après avoir reçu ce SAG Award.
Tout comme Sian Heder, elle a appris la langue des signes américaine avant le tournage. La production avait engagé des consultants spécialisés en langue des signes pour traduire le scénario écrit par Heder et faire le lien entre sourds et entendants sur le plateau.
Dans certaines scènes, comiques ou émouvantes, le film démontre le pouvoir évocateur de la langue des signes, parfois compréhensible même pour ceux qui ne la maîtrisent pas.
Les Oscars ont préféré ce film indépendant à petit budget à des poids lourds comme "Power of the Dog" de Jane Campion, donné favori, "Belfast" de Kenneth Branagh ou encore le remake de "West Side Story" par le toujours populaire Steven Spielberg.
Cette victoire inattendue est une aubaine pour Apple, venu très tardivement sur le marché du streaming et qui peine jusqu'à présent à rattraper le géant du secteur Netflix, tant en termes de contenu que d'abonnés.
(A.Berg--BBZ)