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Gamin, il voulait être magicien: devenu producteur musical, un coup de baguette a suffi à Rick Rubin pour transformer en machine à remplir les stades les Red Hot Chili Peppers, qu'il retrouve sur leur nouvel album sorti vendredi.
Aujourd'hui, ce sorcier du son à l'allure de gourou, avec sa longue barbe d'ermite, est considéré comme le cinquième membre du groupe californien.
"Rick Rubin a une empreinte forte, dans les années 1980, il était déjà le quatrième Beastie Boys", aux débuts de ce groupe de rap, comme le rappelle à l'AFP Sophie Bramly. Elle fut une des rares photographes à documenter les débuts du hip-hop à cette époque à New-York.
Son aisance à nager entre les courants musicaux ressort du parcours du sexagénaire, inconnu du grand public. Ce fan de la scène punk et rock s'est d'abord révélé comme producteur de rap (LL Cool J, Run-DMC, Public Enemy), avant de toucher à tout, metal avec Slayer, fusion rap-rock avec les Red Hot Chili Peppers, en passant par les derniers albums crépusculaires de Johnny Cash ou des stars de la pop comme Shakira, Justin Timberlake et Adele, entre nombreux autres artistes.
"Je ne suis pas surprise, le mec était brillant, avec lui le son était tellement dingo qu'il n'y avait aucune raison qu'il se limite au hip-hop", commente encore Sophie Bramly, qui fut aussi productrice-animatrice à Londres de "Yo!", premier show sur le rap lancé par MTV Europe, qui deviendra "Yo! MTV Raps" pour les USA.
- "Tête de nounours" -
Tout a commencé professionnellement pour Rubin dans la chambre d'étudiant 712 occupée à la NYU (Université de New York). Un petit espace rapidement envahi par vinyles, enceintes et matériel audio. Le jeune homme est tombé dans la marmite hip-hop. On le voit sur les clichés de Sophie Bramly, imberbe, avec son perfecto d'inconditionnel d'AC/DC (qu'il produira plus tard, évidemment), un des rares visages blancs des soirées au Roxy, club-creuset du rap de la Grosse Pomme.
"C'était un gros bébé étudiant, tout rond, avec une bonne tête de nounours, archi-sympa, plein d'énergie new-yorkaise, quelqu'un qui va vite, efficace", se souvient encore la photographe. Effaré de ne pas retrouver l'énergie des clubs sur les disques qu'il écoute, il fonde son premier label (avec Russell Simmons, manager de Run-DMC.): Def Jam, aux initiales DJ toutes trouvées, avec pour QG son logement d'étudiant.
La suite compile les figures imposées du business US: succès fulgurant, crise de croissance, nouveau départ, déménagement sur la côte Ouest. Il y croise les Red Hot Chili Peppers, jeunes chiens fous de la scène de Los Angeles, qui vivotent.
"La première fois, à une répétition, il y a de mauvaises vibrations, un sentiment toxique, à cause de la drogue, ce que je comprends après", raconte Rubin un jour sur BBC1. L'association ne se fera que "2-3 ans après, quand je les revois, ils sont sobres".
- "Réducteur" -
Les RHCP ont alors perdu leur guitariste, Hillel Slovak, mort d'overdose, et le remplacent par un jeune prodige, John Frusciante.
Ce dernier tombera lui aussi plus tard dans la drogue, quittera le groupe, frôlera la mort, reviendra, partira encore.
Frusciante renoue de nouveau avec les Red Hot, tout comme Rubin, pour "Unlimited Love", sorti vendredi. On retrouve donc le casting de "Blood Sugar Sex Magik" (1991), album-rampe de lancement qui fit de la bande d'Anthony Kiedis des mégastars.
Quel est l'apport de Rubin? Kanye West, qui a également travaillé avec lui, le décrit comme un "réducteur", pas un "producteur". Nulle critique: avec Rubin, on va à l'essentiel. Au verso de "Radio", premier album de LL Cool J, on lit d'ailleurs "Réduit par Rick Rubin".
Rubin ne fait pas que réduire à la cuisson, il ajoute aussi son grain de sel. Comme quand il suggère à Jay-Z d'attaquer a capella son célèbre "99 Problems". Dernière anecdote: "Blood Sugar..." fut enregistré dans une maison ayant appartenu à Harry Houdini, illusionniste qui faisait forcément rêver l'apprenti magicien Rubin.
(T.Burkhard--BBZ)