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C'est la fin d'une affaire médiatico-financière emblématique. L'agence Bloomberg, spécialisée dans l'information financière, a vu mercredi son pourvoi rejeté par la Cour de cassation dans le litige qui l'opposait à l'Autorité des marchés financiers (AMF) à la suite de l'affaire du faux communiqué de presse Vinci.
Sanctionnée fin 2019 par l'AMF, gendarme français de la Bourse, à hauteur de 5 millions d'euros - sanction depuis ramenée à 3 millions d'euros en 2021 par la cour d'appel de Paris -, Bloomberg est définitivement condamnée pour avoir, en novembre 2016, publié une information erronée en relayant la teneur d'un faux communiqué de presse concernant le groupe français de BTP Vinci.
"L'agence de presse n'a pas agi dans le respect des règles de sa profession dès lors qu'elle aurait dû, avant de diffuser son communiqué, s'interroger sur l'authenticité des informations reçues", explique la Cour de cassation dans un communiqué pour justifier son arrêt.
La juridiction note que l'agence américaine n'a "tiré aucun avantage de cette diffusion ni agi dans l'intention d'induire le marché en erreur", mais aurait dû "procéder à des vérifications, en présence d'un contenu inhabituel sur la forme et peu probable sur le fond".
Après la diffusion de cet arrêt, Bloomberg News s'est déclarée "déçue" à l'AFP, par la voix de l'un de ses porte-parole.
"Nos journalistes, comme ceux d’un certain nombre d’autres organes de presse, ont simplement rediffusé ce qui semblait être une information digne d’intérêt et ont été victimes d’un hoax (fausse information, NDRL) sophistiqué", regrette le porte-parole.
- Liberté de la presse -
Dans son pourvoi en cassation, l'agence Bloomberg contestait tant la sanction en elle-même que son montant. Mercredi, la Cour de cassation a rejeté ces deux griefs.
Une décision qui, selon le porte-parole de Bloomberg News à l'AFP, "ne tient pas compte des problématiques soulevées (...) en matière de liberté de la presse".
L'arrêt de la juridiction suprême constitue une jurisprudence importante concernant la conciliation entre la lutte contre les abus de marché et la liberté de la presse.
"Les informations journalistiques relatives à la situation financière de sociétés cotées et destinées aux investisseurs n'ont pas, dans une société démocratique, la même importance que les informations journalistiques relatives à des sujets présentant un intérêt général ou historique ou revêtant un grand intérêt médiatique", détaille la Cour de cassation dans son arrêt.
Ce qui justifie, selon la juridiction, que la liberté de la presse puisse être "davantage restreinte", lorsque "l'activité journalistique s'adresse au public des investisseurs".
Pour rendre son arrêt, la Cour de cassation s'est largement fondée sur l'article 21 du règlement européen sur les abus de marché, qui prévoit qu'en cas d'abus de marché lié à la diffusion d'une information à des fins journalistiques, la diffusion de cette information doit être "appréciée en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse".
Mais cet article prévoit plusieurs exceptions, notamment si le journaliste ou ses proches tirent "directement ou indirectement un avantage ou des bénéfices de la divulgation ou de la diffusion des informations en question" d'une part, ou si la diffusion de l'information a lieu "d’induire le marché en erreur".
Pour la Cour, l'information a été diffusée sans que le journaliste n'ait tiré aucun avantage ou eu l'intention d'induire le marché en erreur, mais il n'a pas respecté "les règles de sa profession", explique-t-elle dans son communiqué.
- Les fraudeurs jamais retrouvés -
Bloomberg avait supprimé la dépêche moins de dix minutes plus tard, puis diffusé une nouvelle dépêche, qui démentait l'information.
Mais ce laps de temps très bref fut suffisant pour faire plonger le cours de l'action Vinci de 18,28%, avant qu'elle se redresse pour clôturer en baisse de 3,78%.
Le préjudice a été évalué par l'AMF à 6,5 millions d'euros pour les investisseurs.
Vinci avait publié un démenti officiel sur son site internet un peu moins d'une heure après la première dépêche et annoncé porter plainte contre X dès le lendemain.
Ni l'AMF, ni le Parquet national financier saisi par Vinci n'ont pu identifier les auteurs du faux communiqué qui l'avaient mis en ligne sur un site miroir du groupe (vinci.group) imitant le vrai (vinci.com), poussant le vice jusqu'à le signer du nom du véritable responsable des relations presse de Vinci, en renvoyant à un faux numéro de téléphone.
Trois autres agences de presse dont l'allemande DPA, la britannique Reuters, l'américaine Dow Jones ainsi que le journal les Echos s'étaient fait piéger. Bloomberg est le seul média à en faire les frais.
(G.Gruner--BBZ)