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Le dramaturge, romancier et poète René de Obaldia était l'un des auteurs français de théâtre contemporains les plus joués au monde, dont l'oeuvre loufoque, inclassable, traduit le ridicule et le sentiment tragique de la vie.
"J'ai toujours été étonné d'être né. Je suis ébahi de continuer d'exister", disait-il pour résumer son improbable parcours allant de Hong Kong, où il était né le 22 octobre 1918, d'un père panaméen et d'une mère française, à l'Académie française, où il avait succédé à Julien Green en 1999.
Après d'excellentes études au lycée parisien Condorcet, René de Obaldia est mobilisé en 1940, au début de la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier, il est interné pendant quatre ans dans un camp en Silésie, dont il sera rapatrié comme grand malade.
De cet épisode tragique, il garde la conscience de la cruauté implacable des hommes et s'en sort en puisant dans l'humour et l'imagination.
Un long poème surréaliste, "Midi", lui vaut en 1949 l'attention de la critique et un recueil de poésies, "Les richesses naturelles" (1952), rencontre un premier public.
Secrétaire général au Centre culturel international de Royaumont de 1952 à 1954, puis brièvement directeur littéraire aux Editions Pierre Horay, Obaldia publie en 1955 et 1956 ses premiers romans, "Tamerlan des coeurs" et "Fugue à Waterloo", qui l'imposent comme l'un des auteurs les plus originaux de l'après-guerre.
Mais c'est avec son théâtre que cet homme robuste au front dégarni, séducteur, roublard, insaisissable, connaît le succès. Jean Vilar monte en 1960 "Génousie", l'une de ses premières pièces, au Théâtre National Populaire (TNP).
Trois ans plus tard, "Le satyre de la Villette" fait scandale, pour des propos un peu crus prêtés à une enfant, et lui colle une étiquette de révolutionnaire immoral.
Obaldia participe alors, avec Beckett et Ionesco, au renouveau du théâtre français porté par le TNP. Il a un ton, une morale incertaine, et navigue entre songe et réalité.
- "En marge de tout" -
"On a étiqueté mon théâtre +théâtre vertical+, ce qui veut dire que, selon le degré de culture du spectateur, chacun trouve son plaisir à différents niveaux", expliquait cet ami de Roland Barthes ou d'Alain Robbe-Grillet.
Avec "Du vent dans les branches de sassafras", sa pièce la plus connue conçue comme une parodie de western, René de Obaldia réussit l'alchimie de la comédie légère, de l'insolite et de l'humour. Créée en 1965 à Paris, avec Michel Simon dans le rôle principal, la pièce lui assure une audience internationale.
"Le cosmonaute agricole" (1965), "L'air du large" (1966), "La baby-sitter" (1971), "Monsieur Klebs et Rozalie" (1975) ou "Endives et miséricorde" (1986) seront ensuite régulièrement montées à l'étranger. Obaldia excelle dans les formes courtes, les dialogues insolites, et fait sourire des misères du monde.
Elu en 1999 à l'Académie française, il sera, promet-il, "le moins académique des académiciens" et l'un des rares dramaturges de l'assemblée. "Il y a des ronrons mentaux qu'il faut éviter comme la peste. Je suis en marge de tout et j'entends le rester".
"Obaldiableries", montés à Paris l'année de son entrée sous la Coupole, rappelle la singularité d'un écrivain dont l'oeuvre, en réponse à "l'intellectualisme didactique et chiant", échappe à l'analyse.
René de Obaldia, qui avait arrêté d'écrire à la mort de sa femme en 2012, a aussi été parolier de Luis Mariano.
Il a reçu de nombreuses récompenses dont le Grand prix du disque de l'Académie Charles Cros, le Grand prix de la Société des auteurs dramatiques, le Grand prix du théâtre de l'Académie française, et le prix Novembre pour son savoureux livre de mémoires "Exobiographie" (1993). Son oeuvre a été traduite en près de 30 langues.
(K.Lüdke--BBZ)