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Une motion de défiance à l'encontre de la direction de RFI a été adoptée mardi pour dénoncer sa gestion d'un conflit interne, dernier exemple selon le texte de "dérives déontologiques" successives, qui plombent aussi des journalistes du réseau en butte à la précarisation.
"Notre rédaction a été profondément indignée à la fin de l'année 2021 quand l'enquête +Congo Hold-up+, dont nous sommes partenaires, a été gravement remise en cause dans une interview associée à l'image de RFI", souligne le texte de la motion.
Celle-ci a été adoptée par 67,1% des 287 journalistes (sur un collège de 524) ayant pris part au vote.
En cause: la diffusion fin novembre d'un entretien mené par le journaliste vedette de la radio, Alain Foka, avec Jules Alingete, chef des services de l'Inspection générale des finances de la République démocratique du Congo (RDC), sur sa chaîne YouTube personnelle.
Au cours de cette interview, diffusée avec le logo de la chaîne France 24 et un micro siglé RFI, le haut-fonctionnaire congolais a qualifié l'enquête portée par une journaliste de RFI, Sonia Rolley, d'"insinuations" visant à "brûler le Congo".
Or, la veille, M. Alingete saluait sur RFI les conclusions de cette investigation, réalisée par un consortium international de médias internationaux et d'ONG, selon lesquels l'ancien président de la RDC Joseph Kabila et ses proches auraient "siphonné" au moins 138 millions de dollars de fonds publics avec la complicité d'une banque.
"La direction aurait dû agir. Il n'en a rien été, ce qui a eu pour conséquence d'entraîner une campagne de dénigrement et d'insultes contre la collègue (...) et contre notre rédaction", dénoncent les auteurs de la motion de défiance.
"Cette affaire est le dernier exemple des dérives déontologiques que les directions successives de Radio France Internationale ont permises ces dernières années, et sur lesquelles la SDJ (Société des journalistes) n'a eu de cesse d'alerter", estiment-ils.
Face au tollé, la direction a amorcé des discussions avec les SDJ de RFI et France 24 pour améliorer l'application des réglementations internes existantes, et lancé l'élaboration d'un "document de référence" pour encadrer "les collaborations et activités extérieures" de ses journalistes.
Elle a également indiqué dans un communiqué interne avoir "procédé, pour un même collaborateur, à une double sanction", sans divulguer son nom, ni la nature des sanctions.
Dans un autre communiqué publié après le vote, la direction de RFI a appelé à "dépasser le malaise de ces dernières semaines".
"Nous devons à présent continuer de transformer nos différends en débats constructifs", a-t-elle ajouté. Une réunion est ainsi prévue vendredi pour "poursuivre" le "travail autour des textes et de l'encadrement des collaborations et activités extérieures des journalistes".
- "Deux poids, deux mesures" -
"Il n'y aurait pas eu cette motion s'ils avaient pris plus tôt la mesure du problème", avait estimé Marie Normand, présidente de la SDJ, interrogée par l'AFP.
Un journaliste de RFI a évoqué pour sa part "un malaise assez profond dans la rédaction" avec un sentiment de "deux poids, deux mesures" en matière de déontologie.
"Nous sommes des centaines à qui on peut faire confiance, et une infime minorité se comporte de façon dangereuse pour la réputation de la radio" menaçant l'intégrité de journalistes sur le terrain, selon une reporter.
Pour Sabine Mellet, déléguée syndicale SNJ-CGT de France Médias Monde, "c'est parce qu'on manque de moyens que la direction cherche des partenariats, qui sont totalement antinomiques avec notre métier", en particulier "avec des chaînes de télé ou des radios en Afrique qui sont soit de l'opposition, soit du gouvernement".
A l'étranger, les journalistes travaillant pour RFI, reliés par un réseau de discussion interne nommé Spartacus, ont été "vraiment choqués" par cette affaire, a rapporté une pigiste.
"C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", a affirmé une autre journaliste, évoquant des conditions de travail en forme de "longue descente aux enfers" pour les pigistes français de RFI, qui se sont vus supprimer début 2019 les cotisations sociales de leurs rémunérations, y compris sur les zones de conflits ou de pandémie type Ebola.
(T.Burkhard--BBZ)