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Le recul de l'âge de la retraite pour Vincent Bolloré? Le bicentenaire de l'entreprise familiale tombe jeudi et cette date devait marquer la mise en retrait du milliardaire et magnat des médias, mais le flou demeure sur ses intentions.
"Il est impossible de savoir quand il décidera de réaliser complètement" son retrait, confie à l'AFP un fin connaisseur de l'univers Bolloré.
"De toute façon, même s'il le réalise, il gardera toujours la tour de contrôle de la Compagnie de l'Odet" qu'il préside, croit savoir cette source.
Cette holding est à la tête de l'empire Bolloré, façonné en quarante ans à coups d'acquisitions et qui totalise désormais 80.000 salariés et 24 milliards d'euros de revenus annuels.
Un empire ancré d'une part dans l'industrie (groupe Bolloré dans le transport et la logistique) et de l'autre dans les médias (Vivendi), dont il est un géant.
Le semaine dernière, BFM Business avait déjà affirmé que la passation de pouvoir serait "reportée".
Vincent Bolloré, 70 ans en avril, avait pourtant annoncé de longue date que son retrait coïnciderait avec les 200 ans de l'entreprise.
"Je laisserai ma place (...) lorsque nous fêterons le bicentenaire du groupe", répétait-il le 19 janvier devant une commission d'enquête sénatoriale sur la concentration des médias.
Finalement, ce bicentenaire sera fêté deux fois: jeudi à Ergué-Gabéric, près de Quimper, où est implanté le siège social de la Compagnie de l'Odet, puis en juillet, en grande pompe avec plusieurs centaines de personnes.
- Conseiller informel -
"Aujourd'hui, je finis de laisser ma place de conseiller, après avoir été dirigeant jusqu'il y a trois ans. Ma famille a accepté de poursuivre cette saga industrielle. Elle va représenter la septième génération", ajoutait M. Bolloré devant les sénateurs.
Du point de vue des titres, le patriarche s'est déjà mis en retrait au profit de deux de ses enfants: Yannick, 42 ans, PDG de Havas depuis 2013, est devenu président du conseil de surveillance de Vivendi en 2018, et Cyrille, 36 ans, a pris les rênes du groupe Bolloré en mars 2019.
Mais dans les faits, Vincent Bolloré est toujours là.
"Il n'a pas de titre mais on sait qu'il influence les grandes décisions stratégiques", souligne une source proche, pour qui l'homme d'affaires tiendra ce rôle de conseiller informel du groupe "pendant un temps indéfini", qui dépendra de "l'évolution des problèmes".
Car plusieurs dossiers brûlants restent à boucler: acquérir la totalité du capital du groupe Lagardère, empêcher le fonds d'investissement américain KKR de prendre pied dans Telecom Italia - dont Vivendi est premier actionnaire - et convaincre le gouvernement espagnol de laisser Vivendi prendre près de 30% du capital du groupe de médias Prisa, propriétaire du quotidien El Pais, contre 9,9% actuellement.
Sans compter la cession planifiée de la branche logistique du groupe en Afrique, minée par plusieurs poursuites judiciaires, que Vincent Bolloré entend mener à bien, comme tant d'autres opérations auparavant.
- "Idéologie réactionnaire"
Le Breton aime à rappeler qu'au début des années 1980, quand il s'est attelé au redressement de la papeterie familiale, celle-ci "employait un peu moins de 800 personnes".
Depuis, le groupe a acquis un poids colossal dans les médias, parfois au prix de remaniements brutaux: audiovisuel (groupe Canal+ et ses chaînes C8 et CNews, radio Europe 1), presse (Prisma Media, premier groupe de magazines en France, JDD, Paris-Match, Prisa en Espagne), publicité et communication (Havas), édition (Editis) ou télécoms (Telecom Italia).
Une concentration qui inquiète, à quelques semaines de l'élection présidentielle.
Mercredi, un collectif baptisé "Stop Bolloré", composé de syndicats, associations, médias et personnalités de gauche, a lancé un appel pour dénoncer la constitution d'un "empire médiatique tentaculaire" accusé de servir une "idéologie réactionnaire".
"Derrière ces logiques de concentration, de prédation économique, il y a une logique de domination politique", a estimé à la tribune du collectif Edwy Plenel, cofondateur du média d'investigation Mediapart.
Le collectif vise en particulier CNews, accusée de nourrir "une obsession pour les thèmes d'extrême droite". Entre 2019 et 2021, elle accueillait le journaliste Eric Zemmour, désormais candidat d'extrême droite à la présidentielle.
Face aux sénateurs, Vincent Bolloré avait nié tout objectif politique dans sa stratégie d'acquisitions: "Notre intérêt (est) purement économique".
(A.Lehmann--BBZ)