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Les forces russes ont frappé mardi la tour de télévision de Kiev et bombardé Kharkiv, confirmant l'intensification de leur offensive contre l'Ukraine et faisant craindre des pertes civiles considérables, malgré des sanctions occidentales croissantes contre la Russie.
Au sixième jour de l'invasion russe de l'Ukraine, les frappes se sont succédé sur Kharkiv, proche de la frontière russe, dont les Russes essaient de s'emparer.
Une frappe a touché la place centrale de cette ville d'1,4 million d'habitants, détruisant en partie le siège de l'administration régionale, a indiqué le gouverneur Oleg Sinegoubov, dans une vidéo sur Telegram montrant l'explosion.
Au moins 10 personnes ont été tuées et plus de 20 blessées, selon le service ukrainien des situations d'urgence. Une autre frappe sur un immeuble résidentiel a fait huit morts et six blessés, a-t-il ajouté.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a dénoncé des bombardements "absolument écœurants", les comparant aux frappes meurtrières sur Sarajevo dans les années 1990.
Dans la capitale Kiev, une frappe a touché en fin d'après-midi la tour de télévision, faisant cinq morts selon les services d'urgence.
Une photographie publiée par le ministère de l'Intérieur montrait la tour noyée dans une épaisse fumée grise, mais toujours debout. Le ministère a fait vœu de reprendre les émissions rapidement grâce à des systèmes de secours.
Un peu plus tôt, l'armée russe avait appelé les civils vivant près d'infrastructures des services de sécurité ukrainiens à évacuer, disant vouloir frapper pour faire cesser "les attaques informatiques contre la Russie".
Alors que retentissaient les sirènes d'alertes aériennes, les forces russes semblaient prêtes à donner l'assaut sur la capitale, faisant redouter des pertes considérables dans cette ville forte, en temps normal, de près de 3 millions d'habitants et riche en patrimoine historique.
Des photos satellites diffusées dans la nuit de lundi à mardi par la société américaine d'imagerie satellitaire Maxar montraient un convoi russe s'étirant sur des dizaines de kilomètres et se dirigeant vers la capitale ukrainienne depuis le nord-ouest.
Les habitants qui n'ont pas fui se préparent depuis des jours à l'arrivée des forces russes, érigeant des barricades, creusant des tranchées et préparant des cocktails Molotov.
- Progression russe dans le sud -
Les Russes semblaient également avoir progressé dans le sud du pays, sur la mer d'Azov, où se trouvent plusieurs grandes métropoles ukrainiennes.
Dans le port de Marioupol, les forces russes "frappent tous les quartiers de la ville", a indiqué le gouverneur, parlant de 21 blessés et de morts en nombre incertain.
Le ministère russe de la Défense a affirmé que ses troupes qui progressaient le long de la côte depuis la Crimée avaient rejoint celles venues du territoire séparatiste prorusse de Donetsk, donnant une continuité territoriale stratégique aux forces russes.
L'information était invérifiable immédiatement. Peu auparavant, l'armée ukrainienne avait affirmé avoir fait échouer cette tentative.
L'armée russe contrôle aussi les entrées de la ville côtière de Kherson (290.000 habitants), plus à l'ouest, selon son maire. Des vidéos d'habitants sur les réseaux sociaux montrent des soldats russes dans la localité.
- Nouvelles sanctions -
Avant la frappe sur Kiev, le président Zelensky, qui demande l'intégration "sans délai" de son pays à l'UE par une procédure spéciale, avait demandé aux Européens de "prouver qu'ils sont avec l'Ukraine", lors d'une intervention par visioconférence au Parlement européen, qui l'a ovationné.
Si une admission rapide de l'Ukraine dans l'UE semble compliquée, les Européens ont indiqué lundi soir, après un nouvel échange avec le président américain Joe Biden, être prêts à durcir encore les sanctions contre la Russie, déjà d'une ampleur historique.
"Nous allons à coup sûr" prendre de nouvelles sanctions contre la Russie, a confirmé mardi le chancelier allemand Olaf Scholz, alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonçait une aide humanitaire de 500 millions d'euros pour l'Ukraine.
Le camp occidental s'efforce de priver la Russie de tous ses financements internationaux et de bloquer les avoirs de Vladimir Poutine et son entourage.
Avec l'exclusion annoncée des grandes banques russes du réseau Swift et les sanctions contre la Banque centrale russe, les mesures de rétorsion ont déjà "un impact massif sur la Russie" et "le trésor de guerre de Poutine est sérieusement entamé", a estimé mardi le ministre allemand des Finances Christian Lindner, après une réunion avec ses homologues du G7.
Le gouvernement russe s'efforce de contrer les sanctions: après une série de mesures lundi pour soutenir l'économie et le rouble, le gouvernement russe préparait mardi un nouveau décret pour enrayer la fuite des investisseurs étrangers.
Les marchés mondiaux - surtout européens - accusent le coup. Les prix du pétrole continuaient notamment de monter, avant la réunion mercredi de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses alliés.
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a annoncé mardi que ses pays membres allaient libérer 60 millions de barils de pétrole tirés de leurs réserves d'urgence pour stabiliser le marché.
- "Profond regret" de Pékin -
Outre les sanctions économiques, la Russie est désormais exclue d'une multitude d'événements culturels et sportifs, y compris du Mondial de football 2022 au Qatar.
A Genève, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a souligné que les "violations du droit humanitaire international commises par Moscou augmentent d'heure en heure", et suggéré une exclusion de la Russie du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
Même la Chine, qui n'a jusqu'ici pas condamné l'invasion russe, a exprimé mardi "son profond regret" face au conflit, lors d'un entretien de son ministre des Affaires étrangères avec son homologue ukrainien.
Mais malgré cette pression inédite, à laquelle s'ajoutent des manifestations de solidarité avec l'Ukraine dans de nombreux pays, Vladimir Poutine semblait décidé à poursuivre l'offensive et à mettre fin aux aspirations d'appartenance à l'UE et à l'Alliance atlantique de cette ex-république soviétique.
Lors d'un échange lundi avec le président français Emmanuel Macron, il a posé comme conditions, pour arrêter l'invasion, la reconnaissance de la Crimée en tant que territoire russe, la démilitarisation et la "dénazification" de l'Ukraine. Le président russe a précédemment qualifié les dirigeants ukrainiens de "néonazis".
Il a réitéré ses exigences alors que se tenaient de premiers pourparlers russo-ukrainiens. Des pourparlers qui ont duré quelques heures, avant de se terminer sur l'unique engagement qu'ils reprendraient "bientôt".
- Un million de déplacés -
Depuis le début de l'invasion russe le 24 février, le conflit a fait un million de déplacés en Ukraine même, et poussé plus de 677.000 Ukrainiens vers les pays voisins - essentiellement la Pologne, mais aussi la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés.
De longues files de voitures continuaient à se diriger vers la frontière polonaise, depuis la grande ville de l'ouest de l'Ukraine, Lviv, devenue porte de sortie et centre de repli, pour les Ukrainiens comme pour les ambassades occidentales.
Des femmes réfugiées à Lviv, laissant les hommes de leur famille "défendre l'Ukraine", se mobilisaient pour les soutenir, en donnant leur sang ou en confectionnant des filets de camouflage.
Le bilan du conflit reste incertain. L'ONU a évoqué lundi 102 civils tués et 304 blessés, ajoutant que les chiffres réels étaient "considérablement" plus élevés.
L'Ukraine a fait état lundi de 352 civils tués et 2.040 blessés depuis jeudi et affirmé que des milliers de soldats russes avaient péri.
Les forces russes ont reconnu des pertes, mais sans les chiffrer.
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(U.Gruber--BBZ)