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Face à l'effroi causé par la guerre en Ukraine, et alors que l'étau du Covid-19 se desserre, l'Amérique va-t-elle pouvoir surmonter ses divisions? Pour son premier discours sur l'état de l'Union, Joe Biden a en tout cas repris mardi ses accents de président rassembleur.
Ce rituel annuel, par lequel le chef de l'exécutif détaille ses grands axes politiques devant le Congrès, a offert des scènes devenues rares aux Etats-Unis: des parlementaires républicains et démocrates debout ensemble, pour manifester leur soutien à l'ambassadrice d'Ukraine, invitée d'honneur.
Et même, à quelques exceptions près, pour saluer l'entrée de Joe Biden.
Le démocrate de 79 ans a entamé son discours long de près d'une heure par une longue diatribe contre le "dictateur" Vladimir Poutine, un vibrant éloge à la résistance du peuple ukrainien, et une affirmation de la cohésion des démocraties face à "l'autocratie".
Il a assuré que le président russe n'avait pas atteint son autre objectif, celui de "diviser chez nous".
"Le Covid-19 ne doit plus régir nos vies", a-t-il clamé, face à des parlementaires, ministres, et juges de la Cour suprême, qui avaient quasiment tous abandonné le masque, à la suite de nouvelles recommandations des autorités sanitaires.
- Equilibriste -
Rappelant les débats parfois violents sur les mesures sanitaires, il a ajouté : "Nous ne pouvons pas changer nos divisions passées. Mais nous pouvons changer la manière dont nous allons avancer, sur le Covid-19 et d'autres sujets que nous devons affronter ensemble."
Le président, dont la cote de confiance est anémique, sait bien que dans quelques mois, aux législatives de mi-mandat, il risque de perdre sa très mince majorité parlementaire.
Alors l'ancien sénateur, modéré dans l'âme, s'est livré, devant le Congrès, à un exercice d'équilibriste politique.
Pas de violentes critiques de l'opposition républicaine, pas d'attaques, comme il a pu en livrer, contre son prédécesseur Donald Trump. Joe Biden a essayé de ne froisser personne.
A destination d'électeurs conservateurs qui le taxent de laxisme, il a promis qu'il allait investir dans les forces de police face à la flambée de criminalité aux Etats-Unis, et assuré qu'il voulait "sécuriser" la frontière sud, où se succèdent les vagues migratoires.
A ses partisans progressistes, il a assuré qu'il se battrait pour défendre le droit à l'avortement "menacé comme jamais" et pour l'accès au vote des Afro-Américains.
Il a aussi promis son "soutien" aux jeunes Américains transgenres, face à des mesures prises dans certains Etats conservateurs contre les procédures chirurgicales ou hormonales suivies par certains mineurs.
Et Joe Biden, indécrottable optimiste mais aussi centriste roublé, a matraqué des thèmes qu'il espère consensuels, en tâchant d'être le plus concret possible, lui qui a vu ses grands projets de réformes sociales sombrer pour cause de trop faible majorité parlementaire.
Il a assuré que lutter contre la flambée d'inflation, que la Maison Blanche a mis longtemps à reconnaître, et qui est certainement son principal handicap politique, était "sa première priorité".
Et, avec des accents qui rappelleraient presque Donald Trump, il a plaidé pour une renaissance industrielle des Etats-Unis et pour une réduction de la dépendance aux importations: "produisons en Amérique!"
Le démocrate a fait acclamer un garçon diabétique de 13 ans, Joshua Davis, au moment de réclamer une baisse du coût des médicaments et en particulier de l'insuline. Il a aussi salué Stephen Breyer, 83 ans, magistrat sur le départ de la Cour suprême, certes progressiste, mais respecté au-delà des clivages partisans.
Et le président n'a pas manqué de rappeler la mémoire de son fils Beau, mort d'une tumeur au cerveau, et ancien combattant en Irak, pour évoquer la lutte contre le cancer et la santé des vétérans.
Mais Joe Biden, qui après son discours s'est attardé, sans masque, dans l'enceinte si familière pour lui du Capitole, ne se fait certainement pas d'illusions sur la réalité des divisions de l'Amérique, ou sur le sort de l'ordre international.
Pour accéder au Capitole, son convoi a dû passer les barrières mises en place autour du grand édifice blanc. Les mêmes qui ont longtemps protégé ce symbole de la démocratie après son assaut par des partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021.
Et pendant que le président américain parlait, des troupes aéroportées russes ont débarqué à Kharkiv, a indiqué l'armée ukrainienne, en faisant état de combats en cours dans cette grande ville de l'est de l'Ukraine.
(G.Gruner--BBZ)