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EDF a lancé vendredi une augmentation de capital de plus de 3,1 milliards d'euros, dont 2,7 milliards seront apportés par l'État, afin de renforcer ses finances en prévision d'une année difficile, une annonce attendue mais qui ne règle pas toutes les interrogations entourant l'avenir de l'électricien.
Le principe de cette levée de fonds avait été dévoilé le 18 février, rappelle EDF dans un communiqué, mais son montant est finalement bien plus élevé que les 2,5 milliards alors annoncés par l'entreprise détenue à près de 84% par l'Etat.
Le groupe, qui s'attend à un plongeon de son résultat en 2022, doit composer avec des problèmes dans la production nucléaire et les mesures du gouvernement pour limiter la hausse des factures d'électricité.
Il mettra en vente deux nouvelles actions pour 13 actions existantes, au prix unitaire de 6,35 euros par nouvelle action, avec un maintien du droit préférentiel de souscription.
"L'augmentation de capital que nous lançons aujourd'hui permettra au groupe de renforcer sa structure bilancielle, dans le contexte des événements de début 2022, et de poursuivre sa stratégie CAP 2030", a indiqué le PDG du groupe Jean-Bernard Lévy, cité dans le communiqué.
En 2021, le groupe a vu son bénéfice net multiplié par 8 à 5,1 milliards d'euros mais a prévenu qu'il serait lourdement affecté cette année en raison de problèmes de corrosion sur les systèmes de sécurité de plusieurs réacteurs. Ces problèmes ont conduit à des arrêts prolongés pour plusieurs d'entre eux.
Mais, surtout, le groupe va pâtir des mesures du gouvernement pour limiter la hausse des factures d'électricité à 4% cette année.
Cette mesure gouvernementale, en plein débat sur le pouvoir d'achat et à l'approche de la présidentielle, oblige EDF à vendre plus d'électricité nucléaire à prix bradé à ses concurrents (46,2 euros par MWh), alors que les cours sur les marchés de gros sont très élevés (257 euros par MWh).
Ses résultats devraient ainsi être amputés cette année d'environ 11 milliards d'euros à cause de la baisse de production nucléaire et de huit milliards à cause des mesures exceptionnelles du gouvernement, qui s'est décidé à mettre la main au portefeuille.
- Hercule, le retour? -
L'Etat, qui détient avec l'EPIC Bpifrance 83,88% du capital d'EDF, a en effet d'ores et déjà annoncé dans un communiqué distinct "renouveler son engagement à hauteur de cette quote-part", "soit une souscription de 2,654 milliards d'euros" à l'augmentation de capital.
"L'Etat contribue ainsi (...) à sécuriser la situation financière d'EDF et sa capacité de financement à court et moyen terme, et permet à l'entreprise de poursuivre sa stratégie de développement rentable dans le cadre de la transition énergétique", a souligné le ministère de l'Economie.
Cette augmentation de capital intervient à un moment où le groupe est lourdement endetté, à 43 milliards d'euros à fin 2021, mais doit investir fortement.
"Au vu de la flambée des prix de l'énergie et de la crise russo-ukrainienne, forcément, cette recapitalisation est bienvenue et nécessaire", a réagi Amélie Henri, secrétaire nationale CFE-Unsa énergies pour EDF.
Mais cette opération "appelle à une réelle réflexion sur la solidité des fonds propres de l'entreprise, mais aussi la nécessaire régulation des prix de l'énergie aujourd'hui qui sont indexés sur un marché européen clairement en train de dériver" en raison de la flambée des prix du gaz, a-t-elle ajouté.
Un voeu qui fait écho aux déclarations la veille du président-candidat Macron, au cours de la présentation de son programme pour un éventuel nouveau quinquennat, lors de laquelle il a appelé à "une réforme de la régulation et des prix de l'électricité au niveau européen".
Il a également évoqué une renationalisation d'EDF, s'il était réélu: "je pense que sur une partie des activités les plus régaliennes, l'Etat doit reprendre du capital, ce qui va d'ailleurs avec une réforme plus large du premier électricien français".
"Pour nous, c'est un nouvel Hercule qui se profile", a déploré Mme Henri, en référence au projet de réorganisation d'EDF ajourné au moins jusqu'à la fin du quinquennat actuel, mais dont les syndicats souhaitent l'abandon.
La période de souscription des près de 500 millions d'actions nouvelles s'ouvrira mercredi prochain pour finir le 1er avril inclus. La société publiera les résultats de son augmentation de capital le 5 avril.
Mi-février, EDF avait en outre annoncé un "plan d'actions" pour faire face à ces difficultés, évoquant aussi un plan de cessions de 3 milliards d'euros au total jusqu'en 2024.
(T.Burkhard--BBZ)