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L'Ukraine a appelé samedi la Chine, allié stratégique de Moscou, à finir par "condamner la barbarie russe", après de nouvelles frappes qui ont fait des dizaines de morts.
Dans l'ouest du pays, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir utilisé la veille de tout nouveaux missiles hypersoniques "Kinjal", vantés par Vladimir Poutine, pour détruire un entrepôt souterrain d'armements.
"L'Ukraine est malheureusement devenue un terrain d'essai pour tout l'arsenal russe de missiles", a déclaré au site Ukraïnska Pravda le porte-parole des forces aériennes ukrainiennes, Iouri Ignat.
Il a confirmé à l'AFP les frappes sur des dépôts, qui ont entraîné "des détonations de munitions". Un autre porte-parole militaire, Oleksandr Motouzyanyk, a indiqué à Interfax qu'une enquête était en cours sur le type d'arme utilisé.
Les Russes "ont lâchement effectué des frappes de missiles contre des soldats qui dormaient. Une opération de secours se poursuit toujours", a déclaré samedi le gouverneur régional de Mykolaïv Vitaly Kim dans une vidéo publiée sur Facebook.
- 200 jeunes soldats -
Un militaire sur place, Evguéniï, a assuré à des journalistes de l'AFP que quelque 200 jeunes soldats étaient cantonnés dans cette caserne. Des dizaines ont été tués, a affirmé un autre, sans donner son nom.
Selon le ministère ukrainien de la Défense, les troupes russes, dont la progression sur le terrain était beaucoup plus difficile que prévu face à la résistance acharnée des Ukrainiens, ont effectué 291 frappes de missiles et 1403 raids aériens depuis le début de l’invasion le 24 février.
A Zaporojie (ouest de Kiev), le porte-parole de l’administration régionale, Ivan Arefiev, a indiqué qu'un bombardement vendredi avait fait neuf morts et 17 blessés. Sept personnes ont aussi été tuées et cinq blessées par des tirs de mortier russes à Makariv, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Kiev, selon la police régionale.
Les bombardements n'ont pas davantage cessé à Kiev, la capitale et à Kharkiv, grande ville russophone du nord-ouest, où au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre.
A Marioupol, ville portuaire du sud-est, encerclée et bombardée avec ses habitants depuis plusieurs semaines, Kiev a admis avoir perdu l'accès à la mer d’Azov.
L'armée russe a affirmé vendredi avoir réussi à entrer dans la ville, et y mener des combats.
Selon un conseiller du ministère ukrainien de l’Intérieur, Vadym Denysenko, cité par l’agence Interfax-Ukraine, la situation y est "catastrophique".
Le bilan du bombardement mercredi d'un théâtre où plus d'un millier de personnes - essentiellement des "femmes, enfants et personnes âgées" selon la mairie - s'étaient réfugiées dans un abri souterrain, que Kiev accuse Moscou d'avoir frappé "sciemment", était toujours inconnu samedi.
Le président Volodymyr Zelensky a déclaré que plus de 130 personnes avaient pu être sorties des décombres, certaines souffrant "de blessures graves", mais que les opérations se poursuivaient sous les bombardements pour secourir les autres.
Fuyant "l'enfer" de Marioupol, des familles ont raconté les cadavres gisant plusieurs jours dans les rues, la faim, la soif et le froid mordant des nuits passées dans des caves avec des températures inférieures à zéro.
- La Chine et la "bonne décision" -
Face à la poursuite des bombardements meurtriers, et à des négociations qui s'éternisent, le président Zelensky a exhorté la Chine, allié stratégique de Moscou, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et un des grands absents, avec l'Inde, du concert de condamnations et de sanctions qui s'est abattu sur Moscou, à prendre position.
"La Chine peut être un élément important du système de sécurité mondial si elle prend la bonne décision de soutenir la coalition des pays civilisés et de condamner la barbarie russe", a tweeté Mykhaïlo Podoliak, un conseiller de M. Zelensky et un des participants aux négociations avec la Russie.
L'Ukraine et les Etats-Unis s'inquiètent d'une possible aide militaire de la Chine à la Russie ou de voir Pékin aider Moscou à contourner les sanctions occidentales.
Le président américain Joe Biden s'était entretenu vendredi pendant près de deux heures par visioconférence avec son homologue chinois Xi Jinping, pour lui exposer "les conséquences si la Chine fournissait un soutien matériel à la Russie alors qu'elle mène une attaque brutale contre les villes et les civils ukrainiens", selon la Maison blanche.
Mais M. Xi a maintenu l'ambiguïté, soulignant que les conflits militaires n'étaient "dans l'intérêt de personne" et que "la crise ukrainienne (n'était) pas quelque chose que nous souhaitions voir", selon la télévision chinoise.
Le président Zelensky a pour sa part souligné que "des négociations portant sur la paix et la sécurité pour l'Ukraine sont la seule chance pour la Russie de minimiser les dégâts causés par ses propres erreurs", dans une vidéo publiée sur Facebook, filmée de nuit dans une rue déserte.
"Autrement, a-t-il prévenu, les pertes pour la Russie seront telles qu'il faudra plusieurs générations pour qu'elle s'en remette".
- "Position inchangée" de l'Ukraine -
Plusieurs rounds de tractations entre Kiev et Moscou ont eu lieu depuis le 24 février. Le quatrième s'est ouvert lundi au niveau de délégations négociant par visioconférence.
Le chef de la délégation russe a affirmé voir vendredi soir un "rapprochement" des positions sur la question d'un statut neutre de l'Ukraine --à l'instar de la Suède et de l'Autriche-- et la démilitarisation du pays.
Mais le négociateur ukrainien Mikhaïlo Podoliak a souligné les "déclarations de la partie russe ne sont que leurs demandes de départ".
"Notre position n'a pas changé: cessez-le-feu, retrait des troupes (russes) et garanties de sécurité fortes avec des formules concrètes", a-t-il tweeté.
L'Ukraine refuse un simple statut de neutralité et exige des "garanties de sécurité absolues".
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, en mission de médiation, avait indiqué jeudi que la proposition ukrainienne était celle d'un "accord de sécurié collective" impliquant les cinq membres du Conseil de sécurité ainsi que la Turquie et l'Allemagne.
Pour la cheffe de la diplomatie britannique cependant, Liz Truss, ces pourparlers ne sont qu'un "écran de fumée" utilisé par le Kremlin avant une nouvelle offensive. Elle a dit dans une interview au Times être "très sceptique" sur les négociations.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait fait jeudi une analyse similaire, prédisant "un processus dramatique de brutalité de longue durée" de la part de la Russie, qui selon lui ne cherche que la "capitulation ukrainienne" à travers "l'aggravation de la guerre des sièges".
- "Crime de guerre" russe -
Selon le président ukrainien, grâce aux couloirs humanitaires instaurés dans le pays, ce sont plus de 180.000 Ukrainiens qui ont pu s'éloigner des combats, dont plus de 9.000 personnes fuyant Marioupol.
"Mais les occupants continuent de bloquer l'aide humanitaire, tout particulièrement autour des zones sensibles. C'est une tactique très connue. (...) C'est un crime de guerre", a lancé M. Zelensky. La Russie "répondra de cela. A 100%", a-t-il insisté.
Depuis le 24 février, plus de 3,2 millions d'Ukrainiens ont pris les routes de l'exil, dont près des deux tiers vers la Pologne, parfois seulement une étape avant de continuer leur exode.
D'après un décompte au 18 mars du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme en Ukraine, au moins 816 civils ont été tués en Ukraine et plus de 1.333 blessés. Il a souligné que ce bilan était probablement très inférieur à la réalité.
Les besoins humanitaires se font "de plus en plus urgents", avec plus de 200.000 personnes privées d'eau dans la région de Donetsk et de "graves pénuries" de nourriture, d'eau et de médicaments, a déclaré vendredi Matthew Saltmarsh, porte-parole au Haut Commissariat aux réfugiés.
Kiev, la capitale, s'est vidée d'au moins la moitié de ses 3,5 millions habitants. Selon la mairie, 222 personnes --dont 60 civils-- y ont été tués.
Aucun bilan global n'a été fourni à ce stade. M. Zelensky a mentionné le 12 mars la mort d'"environ 1.300" militaires ukrainiens, tandis que Moscou a seulement rapporté près de 500 morts dans ses rangs le 2 mars.
L'Ukraine a indiqué avoir "562 prisonniers de guerre russes", et les détenir conformément au droit international, "comme un pays civilisé".
burx/lpt/fio
(Y.Berger--BBZ)