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Des troupes armées aux pouvoirs étendus pour arrêter des suspects ont été déployées samedi au Sri Lanka, placé sous couvre-feu jusqu'à lundi matin afin d'étouffer l'escalade des manifestations contre le président, ses proches et même sa chamane favorite.
Le président Gotabaya Rajapaksa avait déjà déclaré l'état d'urgence vendredi soir, au lendemain de la tentative de centaines de manifestants de pénétrer dans son domicile pour protester contre les pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments, et alors que les protestations bloquaient la circulation dans plusieurs villes.
Le couvre-feu, qui a commencé samedi soir au crépuscule, sera levé lundi matin, a indiqué la police. Une période de 36 heures durant laquelle de grandes manifestations anti-gouvernementales étaient prévues.
Des centaines de personnes ont défié les autorités et le couvre-feu samedi soir dans plusieurs villes de banlieue, selon la police et des habitants.
De bruyantes démonstrations dans les villes de Maharagama, Homagama et Yakkala se sont achevées dans le calme, mais deux heures après le début du couvre-feu. "Il y avait des policiers mais ils n'ont pas essayé d'intervenir", a déclaré un habitant de Yakkala à l'AFP par téléphone. Des habitants ont signalé des situations similaires à Homagama et Maharagama.
Le président Rajapaksa a justifié sa décision par la "protection de l'ordre public et le maintien des fournitures et des services essentiels à la vie de la communauté".
Des soldats équipés d'armes automatiques avaient déjà été déployés pour contrôler la foule aux stations-service et ailleurs, mais ils étaient plus nombreux samedi.
En temps normal, l'armée ne peut agir seule et doit se contenter d'un rôle de soutien à la police, mais avec l'état d'urgence, elle peut intervenir seule, notamment pour arrêter des civils.
Le pays de 22 millions d'habitants subit de graves pénuries de biens essentiels, une forte hausse des prix et de longues coupures de courant, lors de sa plus grave crise économique depuis son indépendance en 1948.
Le tourisme et les transferts de fonds de la diaspora, vitaux pour l'économie, se sont effondrés lors de la pandémie et les autorités ont imposé une large interdiction des importations pour tenter d'économiser des devises étrangères.
- "Attaques sporadiques" -
Selon de nombreux économistes, la crise a aussi été exacerbée par la mauvaise gestion du gouvernement, l'accumulation de dettes et des réductions d'impôts mal avisées.
Ces mesures interviennent avant des manifestations anti-gouvernement prévues dimanche, les militants sur les réseaux sociaux incitant les gens à manifester devant chez eux.
"Ne vous laissez pas dissuader par les gaz lacrymogènes, très bientôt ils seront à court de dollars pour se réapprovisionner", exhortait un post encourageant les gens à manifester même si la police tente de disperser les rassemblements.
L'ambassadrice des Etats-Unis Julie Chung a averti sur Twitter: "Les Sri-Lankais ont le droit de manifester pacifiquement, c'est essentiel pour l'expression démocratique (...) et j'espère que les jours prochains seront marqués par la retenue de toutes les parties".
Les spécialistes du voyage estiment que l'état d'urgence va balayer les espoirs de renaissance du secteur touristique, une telle situation provoquant habituellement une hausse des taux d'assurance.
"Des attaques sporadiques sur les maisons des politiciens du gouvernement ont été rapportées", a déclaré à l'AFP un responsable de la sécurité, ajoutant qu'un parlementaire du parti au pouvoir avait reçu des oeufs lors d'un événement public dans le district central de Badulla vendredi.
Dans la ville d'Anuradhapura (nord), la foule a dirigé sa colère contre une femme identifiée comme une chamane fréquemment consultée par le président.
Des militants des droits humains et une ancienne parlementaire, Hirunika Premachandra, ont poussé des dizaines de femmes à investir la résidence et le sanctuaire de la voyante, Gnana Akka, mais la police les en a empêchés.
"Pourquoi la police protège-t-elle une chamane?", a demandé Hirunika Premachandra à un gradé qui l'empêchait physiquement de passer, selon une vidéo en direct sur Facebook que l'AFP a pu authentifier. "Voleur, voleur, Gota voleur", a clamé la foule à l'adresse du président face aux policiers armés.
Dans la station de montagne voisine de Nuwara Eliya, des manifestants ont scandé des slogans anti-Rajapaksa et empêché Shiranti, l'épouse du Premier ministre Mahinda Rajapaksa (qui est aussi le frère du président) d'inaugurer une exposition annuelle de fleurs.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de manifestants s'étaient dirigés vers le domicile du président Gotabaya Rajapaksa pour réclamer sa démission, avant que la police ne fasse usage de gaz lacrymogène et de canons à eau.
La foule a incendié deux bus militaires, une jeep de la police et d'autres véhicules, et jeté des briques sur les policiers.
(H.Schneide--BBZ)