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Des agriculteurs aux commerçants, l'inflation est devenue la première préoccupation et tous disent déjà subir les effets de la hausse des prix, surtout depuis que "tout a volé en éclats avec la guerre en Ukraine".
"On voit bien que les prix commencent à grimper", indique à l'AFP Emily Mayer, experte des produits de grande consommation à l'institut IRI, qui publie chaque mois un relevé des prix en grandes surfaces.
"En février, on avait mesuré une augmentation de 0,6% par rapport à 2021, en mars on est à 1,5%."
Ce mouvement va s'amplifier car les industriels de l'alimentation ont globalement obtenu de vendre leurs produits plus cher aux supermarchés, à l'issue des dernières négociations commerciales closes le 1er mars et ce, d'autant plus que le gouvernement a déjà demandé aux acteurs de se remettre autour de la table.
Les agro-industriels ont de nouveaux surcoûts à répercuter avec la guerre en Ukraine - producteur agricole de premier plan empêché d'exporter - et la grippe aviaire qui décime les élevages. Le prix de nombreux ingrédients flambe: farine, huiles, blé, lait, oeufs et viande...
Lors des négociations, "on avait fait des prévisions basées sur des estimations de prix en octobre", qui n'ont rien à voir avec les "proportions ahurissantes" actuelles des surcoûts, relève auprès de l'AFP Didier Boudy, qui préside la fédération regroupant les industriels de la boulangerie-pâtisserie (FEB).
Le beurre - "essentiel, on en met partout" - était à 7,50 euros le kilo fin mars, illustre-t-il. "En octobre-novembre, on tablait sur 5 euros et il y a deux ans, on était à 3,50 euros."
"Tout a volé en éclats depuis la guerre en Ukraine", constate Frédéric Chartier, à la tête notamment d'un élevage de 40.000 poules en plein air dans les Côtes-d'Armor.
D'ici juillet, il estime que l'alimentation de ses volailles coûtera 500 euros de plus par jour, soit 15.000 euros supplémentaires par mois. Il faudrait dès lors "augmenter le prix de vente de 1,35 centime en moyenne par œuf, ce qui est vraiment conséquent".
Les industriels sont aussi frappés par la hausse de l'énergie, du transport et des emballages.
- Sentiment de "déclassement" -
De leur côté, les supermarchés essaient de répercuter le moins de hausse de prix possible pour garder leurs clients.
Emily Mayer anticipe "5% au total" d'augmentation moyenne des prix, soit "le niveau observé en 2008".
Une moyenne qui masque des disparités selon les produits: les pâtes ont déjà beaucoup augmenté, de 13% par rapport à 2021, les huiles de 7,4%, la farine de 7,1%, le sucre de 4,2%, énumère Emily Mayer, et le mouvement pourrait se poursuivre.
Cela ne sera pas neutre pour de nombreux consommateurs, à commencer par les plus modestes, rappelle le président de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, Alain Bazot. "Pour les 20% les moins aisés, l'alimentation pèse 17% du budget, contre 10% pour les 20% les plus aisés."
En outre, "d'autres postes de dépenses contraints ont énormément augmenté et pèsent sur le budget des Français", note Emily Mayer, qui attend à la fois une "régulation sur la quantité" de la part des consommateurs, notamment sur les achats "plaisir", la confiserie, la beauté par exemple, et une quête des achats moins chers.
Parmi les Français les moins aisés, ceux "qui consomment plutôt des produits de marque nationale vont se tourner vers les marques de distributeurs, ceux qui achètent des marques de distributeurs vers des premiers prix", estime aussi Alain Bazot, qui alerte sur le sentiment de "déclassement" qui pourrait émaner de la "frustration de ne pas consommer comme on le voudrait".
(F.Schuster--BBZ)