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La banque centrale américaine (Fed) a promis de combattre la plus forte inflation depuis 40 ans, mais cela fait planer une autre menace sur la première économie du monde: celle d'une récession.
L'institution va tenter un "atterrissage en douceur", a assuré son président, Jerome Powell.
Autrement dit, atténuer les pressions sur les prix, malgré les difficultés mondiales d'approvisionnement qui persistent et la guerre en Ukraine qui a fait flamber les prix de l'essence et des céréales, tout en préservant la croissance économique.
Une tâche qui nécessitera un "calibrage millimétré", résume David Wessel, un observateur de longue date de la Fed pour la Brookings Institution.
L'économie américaine s'est remise de la pandémie de Covid-19 et affiche une croissance solide et des gains d'emplois records, stimulée par les généreuses aides gouvernementales et par l'action de la Fed, qui avait, en mars 2020, ramené à zéro ses taux directeurs, afin de soutenir la consommation.
Mais le rebond américain s'est heurté à plusieurs difficultés, entre les nouvelles vagues de virus et des pénuries de biens et de travailleurs, qui font grimper les prix, et, désormais, la guerre en Ukraine.
Pour ralentir la frénésie de consommation et d'investissements des consommateurs et entreprises américains, la puissante Réserve fédérale a commencé en mars à relever ses taux directeurs, ce qui conduit les banques commerciales à augmenter elles aussi le coût de l'argent qu'elles prêtent à leurs clients.
- "Compromis" -
Cette première hausse, d'un quart de point de pourcentage (0,25%), sera suivie de plusieurs autres. Et plusieurs responsables de la Fed, dont son président, ont averti qu'ils pourraient être plus agressifs dans les prochains mois, et relever les taux d'un demi-point directement, à une ou plusieurs reprises.
Les marchés boursiers mondiaux ont chuté ces derniers jours, lorsque même Lael Brainard, la seule gouverneure démocrate, pourtant connue pour ses positions accommodantes sur la politique monétaire, a jugé "primordial" de faire ralentir l'inflation.
Ces positions fermes montrent que les responsables de la Fed sont "plus susceptibles d'en faire trop que trop peu", observe encore David Wessel.
Car la Fed, à l'instar de bien d'autres économistes, s'est laissée surprendre par la vitesse à laquelle l'inflation a grimpé à la fin de l'année dernière, tirée en grande partie par le secteur automobile et le logement.
Elle a atteint en février son plus haut niveau depuis 1982, à 6,4% sur un an selon l'indice PCE, privilégié par la Fed, et 7,9% selon un autre indice, le CPI, sur lequel sont notamment indexées les retraites.
Mais la banque centrale a plus d'un tour dans son sac, et va aussi réduire la taille de son bilan. C'est-à-dire cesser d'injecter des millions de dollars dans l'économie, et laisser arriver à échéance sans les renouveler les bons du Trésor et autres actifs qu'elle a achetés depuis le début de la pandémie pour soutenir le bon fonctionnement des marchés.
Elle devrait commencer ce processus dès sa prochaine réunion, en mai, et aller beaucoup plus vite qu'elle n'avait été après la crise financière de 2008.
- Situation "très différente" des années 1970 -
La question est toutefois de savoir quel effet aura cette action, couplée aux hausses de taux, ce qui n'est jamais arrivé auparavant.
"C'est délicat", a commenté David Wessel, qui note toutefois que compte tenu de la vigueur de l'économie, "une récession légère et courte (...) pourrait être un compromis que les décideurs sont prêts à faire" pour vaincre l'inflation.
Cette situation fait évidemment resurgir le spectre des années 1970, lorsqu'une spirale inflationniste et la crise pétrolière avaient poussé la banque centrale à augmenter drastiquement les taux d'intérêt pour provoquer une récession et faire baisser les prix.
Mais la situation actuelle est "très différente", estime Dana Peterson, économiste en chef au Conference Board, qui évoque notamment une économie et un marché du travail solides, et souligne que la Fed a renforcé sa crédibilité dans la lutte contre l'inflation.
Les responsables de l'institution examinent tous les facteurs "et veulent vraiment calibrer cela" pour parvenir à un atterrissage en douceur, et la Fed "fera tout ce qui est en son pouvoir, pour ne pas +aller trop loin+", a-t-elle expliqué à l'AFP.
Cependant, a convenu l'économiste, la banque centrale, même avec la meilleure volonté du monde, ne peut pas contrôler les obstacles qui ont conduit à ces difficultés d'approvisionnement, et, notamment, la pandémie qui s'éternise.
(T.Renner--BBZ)