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Le PDG Arnaud Lagardère, soupçonné d'avoir puisé dans les comptes de ses sociétés pour financer son train de vie et ses dépenses personnelles pendant plusieurs années, est entendu lundi par une juge d'instruction à Paris en vue de son éventuelle mise en examen.
L'homme d'affaires, 63 ans, est arrivé au tribunal peu après 9H00 avec son avocat, Me Sébastien Schapira.
Il est interrogé dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le parquet national financier (PNF) en avril 2021 sur la base d'une plainte du fonds britannique Amber Capital, d'un signalement de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ainsi que d'un signalement du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C, devenu la Haute autorité de l'audit, H2A), selon une source judiciaire.
Les infractions visées sont diffusion d'information fausse ou trompeuse, abus de biens sociaux, de pouvoirs et de confiance, présentation de comptes inexacts notamment, a listé la même source. Les faits ont été commis entre avril 2009 et décembre 2022.
A l'issue de son interrogatoire, le PDG sera soit mis en examen, soit placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
Arnaud Lagardère, qui a hérité de l'empire bâti par son père, Jean-Luc Lagardère, à son décès en 2003, est soupçonné d'avoir "fait financer son train de vie et ses dépenses personnelles en puisant dans les fonds des sociétés Lagardère SAS et Lagardère SCM", a détaillé la source judiciaire.
Pendant plusieurs années, ces sociétés "auraient notamment pris en charge des dépenses liées aux immeubles qu'il occupe ainsi qu'une créance successorale, et de nombreuses avances en compte-courant", a-t-elle ajouté.
En novembre 2019, la Lettre (ex-Lettre A) avait révélé que M. Lagardère refusait de publier les comptes de sa holding personnelle, Lagardère Capital & Management (LCM), pour ne pas "rendre publique sa situation financière personnelle, en particulier son niveau d'endettement".
"A plusieurs reprises", selon le quotidien numérique, les actions du groupe détenues par M. Lagardère ont atteint une valeur inférieure à celle de sa dette, "créant une situation financière délicate vis-à-vis des créanciers".
Selon une source proche du dossier, l'affaire repose sur des irrégularités comptables, qui sont restées dans le périmètre des sociétés personnelles d'Arnaud Lagardère, et qui n'ont pas entrainé de préjudice financier pour le groupe Lagardère.
- "Anomalies significatives" -
Deux commissaires aux comptes ont été mis en examen en mars pour complicité d'abus de biens sociaux dans cette affaire.
L'un, poursuivi également pour présentation de comptes inexacts et non révélation de faits délictueux, a été radié par le H3C en avril 2023 pour "avoir certifié, sans réserve" les comptes de 2014 à 2018 malgré des "anomalies significatives", selon la décision consultée par l'AFP. Il a contesté sa radiation.
"Il considère qu'il a fait son travail de commissaire aux comptes de manière conforme aux règles. Il n'a commis aucune faute ni déontologique ni a fortiori pénale", a déclaré à l'AFP son avocate, Me Frédérique Baulieu.
Le gendarme du commissariat aux comptes avait diligenté une enquête fin 2019 et mis au jour notamment des flux financiers irréguliers estimés à 202 millions d'euros entre 2014 et 2018, dont 42 millions d'euros de comptes courants débiteurs de deux sociétés civiles immobilières (SCI), 32 millions d'euros de créance successorale et 6 millions d'euros de compte courant débiteur d'Arnaud Lagardère.
Dans la décennie suivant la mort de Jean-Luc Lagardère, son héritier s'est endetté, a cédé la branche aérospatiale EADS et vendu plusieurs médias.
Il a renoncé en 2021 à la commandite par actions, statut créé par son père qui leur a permis à tous les deux successivement de diriger le groupe Lagardère avec moins de 10% du capital, précipitant ainsi le démantèlement de l'empire familial.
En novembre 2023, la famille Bolloré et son géant des médias et de l'édition, Vivendi, ont pris le contrôle du groupe Lagardère.
Un autre volet de cette affaire concerne une assemblée générale du groupe Lagardère en mai 2018, lors de laquelle le Qatar, actionnaire de référence, avait fait volte-face à la dernière minute en modifiant son vote, initialement en faveur d'Amber Capital, pour finalement soutenir la gouvernance.
Ce vote était intervenu dans le cadre de la lutte d'influence entre Vincent Bolloré, allié d'Amber Capital, et Bernard Arnault, PDG de LVMH, qui soutenait Arnaud Lagardère.
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(P.Werner--BBZ)